« En Trump nous croyons » : les États arabes frustrés par le blocage du plan pour Gaza

Alors qu’Israël consolide une nouvelle « frontière » dans la bande de Gaza, des dirigeants étrangers réunis au Forum de Doha ont exprimé leur urgence à déployer une force de paix et leur pessimisme quant aux progrès.

Hamas et Israël semblent se diriger vers des négociations pour une « phase deux » du cessez-le-feu mené par les États-Unis, mais de nombreux obstacles persistent, notamment le fait qu’Israël qualifie déjà la « ligne jaune » utilisée pendant le cessez-le-feu pour délimiter son occupation militaire de la bande de Gaza de « nouvelle frontière ».

« Nous avons le contrôle opérationnel sur de vastes zones de Gaza et nous resterons sur ces lignes de défense », a déclaré dimanche le chef d’état-major israélien, le lieutenant-général Eyal Zamir. « La ligne jaune est une nouvelle ligne frontalière, servant de ligne défensive avancée pour nos communautés et d’axe d’activité opérationnelle. »

Israël affirme ne pas avoir l’intention de parler directement avec le Hamas. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a indiqué qu’il entamera la deuxième phase du cessez-le-feu en discutant avec le président américain Donald Trump à la fin du mois, avec pour priorité de s’assurer que le Hamas respecte son « engagement » au plan, qui prévoit la démilitarisation de l’enclave.

Le Hamas se dit prêt à discuter du « gel, stockage ou abandon » de ses armes pendant les négociations de la deuxième phase, mais refuse d’y être contraint par une force internationale de stabilisation (ISF). Israël, de son côté, ne se retirera pas tant que le Hamas ne sera pas désarmé.

Un débat agite également les puissances extérieures : l’ISF doit-elle intervenir avant ou après le désarmement du Hamas ? Et sera-t-elle chargée de ce désarmement ? Cette incertitude crée un blocage, tandis que l’aide humanitaire reste insuffisante et que plus de 347 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne depuis la signature du cessez-le-feu en octobre.

Au Forum de Doha, qui a réuni environ 6 000 participants (chefs d’État, think tanks, ONG, journalistes, diplomates, universitaires), Gaza a été évoquée dans de nombreuses discussions. Les ministres étrangers ont exprimé leur inquiétude face à une crise figée. Certains ont blâmé Israël, d’autres ont critiqué des « parties » sans les nommer, et plusieurs ont averti que la région perdait de vue ses objectifs initiaux.

« Nous sommes à un moment critique… Un cessez-le-feu ne peut être achevé sans un retrait total des forces israéliennes et un retour à la stabilité à Gaza », a déclaré samedi le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Sheikh Mohammed bin Abdulrahman Al Thani.

Israël refuse la participation de la Turquie à l’ISF, mais le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a affirmé que son pays était prêt à fournir des troupes et à aider à la mise en place rapide de la force.

« Le désarmement ne peut pas être la première étape », a-t-il insisté. « Nous devons procéder dans le bon ordre et rester réalistes. »

Le ministre égyptien Badr Abdelatty a abondé dans ce sens :

« Nous devons déployer cette force dès que possible, car Israël viole chaque jour le cessez-le-feu tout en accusant l’autre partie. Il faut des observateurs le long de la ligne jaune pour vérifier et surveiller », ajoutant que le mandat « doit être de surveillance de la paix, pas d’imposition de la paix ».

Mais la confusion sur la mission, sa configuration, son calendrier et ses acteurs freine les pays. Espen Barth Eide, ministre norvégien des Affaires étrangères, a résumé :

« Chacun dit : ‘Je ferai ma part quand l’autre aura fait la sienne.’ Il faut mettre en place le conseil de paix et l’ISF ce mois-ci, c’est urgent. »

Manal Radwan, du ministère saoudien des Affaires étrangères, a averti :

« Nous avons déjà vu ce scénario : guerre à Gaza, mobilisation internationale, aide humanitaire, fatigue politique… puis oubli, avant une nouvelle spirale de violence. » Elle s’inquiète que la question de l’État palestinien, incluse dans le plan Trump, soit reléguée. »

« Si nous n’assurons pas la sécurité et les aspirations politiques des Palestiniens, aucun plan ne pourra nous faire avancer ni prévenir une nouvelle explosion de violence. »

Ahmad Elterk, directeur du groupe Arab Lawyers à Londres, a confirmé que cette position était largement partagée :

« Nous n’arriverons à rien tant qu’il n’y aura pas de solution finale et un État palestinien viable. »

Pour l’instant, beaucoup d’États arabes attendent de voir ce que feront les Américains. Les rares responsables américains présents au Forum n’ont guère parlé de Gaza. Tom Barrack, envoyé spécial pour la Turquie et la Syrie, a fait sensation en déclarant :

« Au Moyen-Orient, nous n’avons jamais eu de démocratie… Israël peut prétendre en être une, mais ce qui a le mieux fonctionné ici, qu’on aime ou pas, c’est la monarchie bienveillante. »

En coulisses, William Lawrence, du National Council on U.S.-Arab Relations, a perçu une « schizophrénie » :

« Ils espèrent que Trump appliquera son plan de paix, mais voient des obstacles insurmontables et doutent que l’administration ait la volonté politique nécessaire. Je ne vois pas d’optimisme solide, juste ‘en Trump nous croyons’. »

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