Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté, le 17 novembre 2025, une résolution qui institue une force internationale de stabilisation et un Board of Peace chargé de gérer Gaza jusqu’en 2027.
Derrière les mots solennels, derrière l’apparat diplomatique, une vérité brutale s’impose; tout cela ressemble moins à une mission humanitaire qu’à une opération de prédation.
Car il faut le dire et le rappeler; l’homme qui a endossé le rôle d’architecte moral de cette réorganisation, Donald Trump, reste d’abord et avant tout un businessman. Là où d’autres voient des communautés à reconstruire et des traumatismes à panser, Trump regarde des bilans et des portefeuilles. Son plan en 20 points, repris et validé par la formulation onusienne, porte la marque d’une pensée qui mélange entrepreneuriat, branding politique et diplomatie transactionnelle.
Que cette gouvernance provisoire porte le nom fantaisiste d’un Board of Peace présidé par une personnalité célèbre ne doit pas masquer l’essentiel; c’est une mise en équation du politique: sécurité, reconstruction et administration, selon des logiques de marché et de contrôle. L’odeur du deal politique y côtoie celle de ce que l’on appelle un PPP (Public-Private Partnership).
Car Gaza n’est pas seulement un territoire meurtri par la guerre. C’est aussi un littoral assis sur une richesse immense: le champ gazier Gaza Marine, découvert depuis des décennies mais jamais exploité. Des milliards de dollars dorment sous la mer. (30 - 35 milliards de mètres cubes de gaz récupérable).
Pour les Palestiniens, ce gaz pourrait signifier indépendance énergétique et souveraineté économique. Pour les puissances occidentales, il est une manne à capter. Et c’est bien là que se joue la véritable bataille; sous couvert de paix, on organise le transfert des richesses palestiniennes vers des intérêts étrangers.
Le Board of Peace n’est pas une instance neutre. C’est une structure qui distribue des contrats, supervise des concessions et contrôle des flux. Gouverner Gaza, demain, ce sera gérer des appels d’offres où les multinationales américaines et les intérêts stratégiques sionistes trouveront leur compte. Les Palestiniens cependant, resteront spectateurs de leur propre dépossession.
Dans ce théâtre, l’attitude algérienne mérite d’être interrogée. Seul pays arabe au Conseil de sécurité, l’Algérie a choisi de voter pour. Un choix présenté comme tactique, pour ne pas apparaître comme l’obstacle à un cessez-le-feu. Mais ce vote, en réalité, cautionne un dispositif qui prive les Palestiniens de leurs richesses. En acceptant de se ranger derrière ce plan, Alger a sacrifié sa posture historique de défense intransigeante des droits palestiniens. Elle a préféré le calcul diplomatique au courage politique.
Quant aux intentions des architectes de ce projet, elles sont limpides. Stabiliser Gaza par une force internationale et mettre en "transition" l’administration, c’est repousser toute discussion sur l’occupation. Placer les ressources énergétiques sous supervision internationale, c’est garantir qu’elles ne reviendront jamais pleinement aux Palestiniens. La paix devient un prétexte, un vernis. Derrière, c’est le pillage méthodique d’un littoral stratégique.
Or il est impossible de comprendre l’avenir de Gaza sans évoquer le Hamas. Car si le Board of Peace se présente comme une solution de stabilisation, il est aussi une manière de neutraliser politiquement le mouvement qui, depuis des décennies, incarne la résistance armée et la gouvernance locale.
Le plan onusien ne dit pas son nom, mais il vise à marginaliser le Hamas; réduire son rôle à une force résiduelle, le priver de son levier économique et l’exclure des circuits de décision. En plaçant les ressources énergétiques sous contrôle international, on retire au Hamas la possibilité d’utiliser le gaz comme instrument de souveraineté et en installant une force militaire étrangère, on encadre ses marges de manœuvre.
L’avenir du Hamas, dans ce schéma, est celui d’un acteur relégué à la périphérie; toléré comme réalité sociale, mais privé de pouvoir institutionnel. Ses réseaux resteront présents, ses partisans continueront d’exister, mais son rôle politique sera amputé. Le Board of Peace n’est pas seulement une tutelle sur Gaza, c’est une tentative de remodeler le paysage politique palestinien en effaçant l’organisation qui, malgré les années de guerre, demeure enracinée dans la société gazaouie.
La question est donc simple: qui profite? Certainement pas les habitants de Gaza, qui continueront de vivre sous contrôle étranger. Certainement pas les Palestiniens, qui verront leurs richesses confisquées. Les bénéficiaires sont ailleurs: dans les capitales où l’on signe des contrats, dans les conseils d’administration où l’on calcule les dividendes et dans les chancelleries où l’on se félicite d’avoir "pacifié" un territoire en le privant de sa souveraineté.
Ce Board of Peace n’est pas une promesse de paix. C’est une nouvelle forme d’occupation, plus policée, plus habillée de mots nobles, mais tout aussi violente dans ses effets; la dépossession des Palestiniens de leurs terres, de leurs richesses et de leur avenir. Reste à savoir si ce plan, construit sur des intérêts et des calculs, pourra réellement réussir ou s’il s’effondrera sous le poids de la Résistance et sous le poids de ses propres contradictions.