Ce pays qui tient dans un regard

La première fois que j’ai vu la photo de Sonia et lu les mots de Ramla https://www.facebook.com/ramla.accent/posts/pfbid0jYpqjwfU9Q7cceiWMuTgTGQWBhH1peMzGaLtfQDMo2Ene2AUCxyDcmCM9atQ5v3Nl , j’ai reçu un choc. J’ai cherché des phrases, elles ne venaient pas. Seule une tristesse lourde, épaisse, s’installait — redoublée par les commentaires qui, chacun à sa manière, racontaient la douleur et l’injustice.

Puis j’ai vu d’autres images: Sonia souriante, éclatante, belle et immense. Et j’ai senti une joie vive me traverser. Me voilà donc capable de me briser sur une photo et de me relever sur une autre. J’en ai presque eu honte. Mais c’est là notre humanité : fragiles devant une image, tenaces devant une espérance.

Sonia, ton visage — parfois creusé par la fièvre et l’angoisse, parfois illuminé par une grâce simple — est devenu un miroir de notre pays. On y lit nos peurs, nos colères, nos renoncements ; on y lit aussi la part têtue de lumière qui refuse de s’éteindre. Ton sourire n’ignore rien : il n’efface ni les nuits sans médecin, ni la rumeur des couloirs. Il dit seulement : “Je suis encore là. Et tant que je suis là, quelque chose de nous tient debout.”

Notre fragilité n’est pas une défaite. C’est un lieu où se fabrique la conviction. Chaque larme retenue devient une phrase claire. Chaque tremblement, une promesse. Nous ne sommes pas forts parce que nous ne tombons jamais ; nous le sommes parce que, tombés, nous nous relevons avec plus de justesse, plus de douceur, plus de rage lucide.

Alors, que faire de cette peine qui serre la gorge ? La transformer. En mémoire qui veille les noms. En gestes simples qui protègent les vivants. En alliances qui résistent aux murs. En récits qui empêchent l’oubli. En chemins, surtout, pour celles et ceux qui n’ont plus de chemin.

Sonia, tu n’es pas seule. Tu portes ce qui nous manque parfois : une droiture sans maquillage, une dignité sans décor. Nous te devons mieux que des mots : la patience qui ne lâche pas, l’entêtement à dire le vrai, la fidélité aux prisonniers et à leurs familles, l’art de faire tenir ensemble la colère et la tendresse.

Le jour viendra. Il viendra parce que nous le préparerons — par nos voix qui s’additionnent, par nos mains qui se tendent, avec la certitude qu’aucune porte close ne peut étouffer la lumière d’une âme ni la clarté d’une vérité

مهما طال ليل الظلم والاستبداد، سيعقبه فجر الحرية.

Et ce matin-là, nous saurons pourquoi nous avons tenu.

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