Parce que la peur précède l'intelligence et qu'elle lui tient tête aussi…

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Il est assez clair que ce qui alimente la méfiance en ce qui concerne la candidature de Kaïs Saied, c'est la conjugaison de deux éléments : le flou du projet et le profil de l'entourage !

Car de cette conjugaison naît une hypothèse, puis une crainte qui devient obsédante : et si le flou, ou disons le vide, était comblé par les idées de tous ces partis qui se proposent de venir en appui au candidat lors du second tour, et dont certains, pour ne pas dire tous, sont hostiles aux acquis du pays en termes de libertés individuelles, d'ouverture aux autres cultures, etc.

A l'appui de cette hypothèse, on fait valoir que le soutien apporté donnerait lieu à une sorte de marchandage, à l'attente d'un retour d'ascenseur pour ainsi dire. Et que le pauvre bonhomme, indépendant mais seul, ne pèserait pas lourd face aux appétits de ces divers protagonistes, à supposer d'ailleurs qu'il ne soit pas secrètement une victime consentante (n'est-il pas conservateur et, de plus, "bizarre" ?).

Ce scénario, cependant, appelle un certain nombre de remarques. D'abord, s'il y a du flou dans le projet, le projet n'est pas lui-même flou. Il fixe un cadre et des principes directeurs. Il pose la condition que tout ralliement devra prendre place à l'intérieur de ce cadre et se soumettre aux principes en question.

Le projet du candidat n'est pas un réceptacle où chacun serait libre de déverser sa rhétorique particulière et où il pourrait tenter de faire prévaloir les objectifs de sa chapelle. Il y a un espace d'accueil et les convives sont invités à le peupler, mais dans le respect de son architecture et sans chercher à le changer selon leur goût.

En second lieu, les offres de soutien qui se sont manifestées ne sont pas venues suite à une demande ou à un quelconque appel à l'aide. Par conséquent, s'il devait y avoir marchandage, ceux qui l'engageraient parmi les soutiens n'y disposeraient pas d'une position avantageuse. De plus, leur multiplicité, voire leur rapport de rivalité entre eux, est de nature à neutraliser leurs revendications.

En ce sens que toute demande de modifier la philosophie générale du projet en le tirant du côté de ses orientations idéologiques propres se ferait au détriment des autres partenaires et s'exposerait donc à leur désapprobation. Ces deux éléments mis ensemble devraient prémunir contre le risque du dévoiement par les partis venus en soutien au candidat.

En troisième lieu, et si l'on considère que ce qui est en cause dans le projet dont nous parlons implique un changement de la Constitution, et donc une très large majorité au Parlement, cela veut dire qu'il n'y a pour ainsi dire pas de risque qu'il échappe à un débat populaire.

Une alliance entre les soutiens ne suffira pas pour le faire adopter : il devra convaincre au-delà, dans les rangs de ceux qui y sont aujourd'hui hostiles. En d'autres termes, la vision du candidat lui-même en ce qui concerne son projet pourra être reprise à zéro, à partir du constat d'échec de l'ancien modèle et de l'analyse de ses causes, et être entièrement repensée.

Bien sûr, ces remarques ne vont pas faire cesser les méfiances. Parce que la peur précède l'intelligence et qu'elle lui tient tête aussi, et que certains, qui l'ont compris, ne manquent d'en jouer pour les besoins de leurs propres intérêts.

Bulletin blanc, dites-vous ?

La seule façon de justifier le bulletin blanc, c'est de faire valoir que le vote qui nous est proposé n'est pas conforme aux normes en matière d'équité entre les candidats. Or pour répondre à cette exigence, il ne suffirait pas que le candidat incarcéré sorte de prison.

Il faudrait aussi que cesse aussi l'avantage qui consiste pour ce dernier à disposer derrière soi d'une télévision et de toute une armée de sympathisants gagnés à sa cause à coups d'aides alimentaires, car cela est également contraire à toutes les normes en matière d'élections !

Mais comme cette dernière exigence ne pourra pas être satisfaite, parce que le mal est fait, le geste du vote blanc demeure sans signification pertinente. Il faut se résoudre à ce que si le candidat libre l'emporte, son élection demeure entachée d'une sorte de déficit de légitimité… Ce qui, soit dit en passant, ne devrait pas fâcher tous ceux qui nourrissent à son égard et à l'égard de son projet une certaine méfiance : je me trompe ?

Quant au vote blanc qui invoque l'idée qu'aucun des deux candidats ne mérite qu'on lui accorde son choix, et qui tient en même temps à le faire savoir, on se demande à qui la requête est adressée ? Et en quoi cela nous avance-t-il de savoir que certains de nos concitoyens ne sont contents d'aucun des deux candidats ? Y a-t-il un recours auquel ce refus donnerait lieu qui amènerait un changement de situation ? Non, aucun !

Dans l'idéal, voter, c'est voter pour le meilleur. Mais il arrive qu'on ait à voter pour celui qu'on juge le moins mauvais. Et, dans certaines situations, ce vote a même une valeur éminemment salutaire…

Choisir de se dérober à ce vote en se drapant dans une sorte de supériorité dédaigneuse, c'est se mettre hors du jeu démocratique et perdre sans le savoir tous les droits qui y sont attachés.

Présenter cette option comme une troisième voie de la sagesse est une façon, plus ou moins désespérée, d'occulter la dégradation politique qu'on s'inflige : la tolérer est une attitude qu'on peut tout à fait considérer comme coupable.

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