Un acte de résistance morale

À 84 ans, Rached Ghannouchi, détenu arbitrairement et poursuivi dans une série de procès politiques, a décidé d’entrer en grève de la faim du 22 au 24 décembre 2025 en réponse directe à l’appel de l’avocat et défenseur des droits humains Ayachi Hammami.

Ce geste intervient alors que Rached Ghannouchi fait face à des condamnations déjà prononcées et à d’autres poursuites en cours, l’exposant à des peines cumulées extrêmement lourdes, pouvant l’emprisonner pour le reste de sa vie. À cela s’ajoute un état de santé fragile, connu et documenté, qui rend une grève de la faim particulièrement risquée pour un homme de son âge.

Rached Ghannouchi n’ignore ni la gravité des peines qu’il encourt, ni les dangers physiques que représente une telle décision. Pourtant, il choisit sciemment de répondre à l’appel d’Ayachi Hammami et de s’associer à son combat contre les procès iniques, les jugements arbitraires et la destruction de l’indépendance de la justice, affirmant ainsi que la solidarité et la dignité ne s’arrêtent ni aux portes de la prison ni sous la menace de peines perpétuelles de fait.

Cette grève de la faim n’est ni un acte désespéré ni une manœuvre politique. Elle est un acte de résistance morale, posé par un homme qui, malgré l’acharnement judiciaire et l’usure du temps, continue de défendre les principes de liberté, d’État de droit et de justice indépendante pour tous.

Il convient de saluer le courage de cet homme de 84 ans, qui, face à un pouvoir qui punit et humilie, répond par un geste pacifique et profondément politique.

Quant à ceux qui persistent à le diffamer et à le désigner comme un « ennemi », il convient de rappeler une vérité trop souvent occultée : ils l’ont fait bien avant Kaïs Saied, bien avant le coup d’état du 25 juillet et bien avant l’effondrement ouvert de l’État de droit. Leur hostilité n’a jamais été dictée par une quelconque exigence démocratique ni par la défense des libertés. Elle procède d’une incapacité structurelle à accepter le pluralisme, le jeu démocratique et l’existence d’un adversaire politique, enraciné socialement et capable de s’inscrire dans la durée.

Hier, ces mêmes acteurs justifiaient l’exclusion politique, la diabolisation et les campagnes de haine au nom d’un prétendu « salut national ». Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux se taisent, accompagnent ou relativisent l’injustice, dès lors qu’elle frappe celui qu’ils n’ont jamais accepté comme interlocuteur légitime. Leur constance n’est pas celle des principes, mais celle du rejet de l’autre et de la négation du droit à la différence politique.

En définitive, ce qu’ils n’ont jamais pardonné, ce n’est ni un choix idéologique ni une trajectoire politique, mais le fait qu’un homme puisse exister politiquement hors de leur monopole moral et continuer à défendre ses convictions sans renier la liberté des autres.

L’histoire, elle, saura distinguer entre ceux qui ont résisté à l’injustice et ceux qui s’y sont accommodés.

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