« Épargne en berne : comprendre le faisceau de contraintes tunisiennes »

Une fois de plus, de nombreuses analyses, à l'instar de celle, largement médiatisée, sur la baisse observée du taux d'épargne, négligent les fondamentaux et se concentrent plutôt sur des définitions catégorisées, peu pertinentes sur le plan analytique. De fait, la question du ‘’pourquoi’’ n'a pas été abordée, et donc les recommandations pertinentes de politique économique ont fait défaut. Il faudrait toutefois reconnaître que la tâche est loin d'être simplement comptable.

La chute du taux d’épargne en Tunisie résulte d’un enchaînement de chocs et de contraintes que le cadre d’analyse standard ne permet pas d’appréhender entièrement. Plusieurs facteurs se combinent, tels que :

(1) l’Instabilité macroéconomique et la politique économique de la dernière décennie où l’incertitude politique prolongée, l’élévation du risque souverain et les anticipations d’inflation durable ont réduit l’incitation à épargner, renforçant la préférence pour la liquidité et la consommation immédiate,

(2) la dégradation des termes de l’échange et la dépendance alimentaire et énergétique. En fait, la hausse des prix importés a comprimé le revenu réel disponible. Face à des dépenses incompressibles, les ménages substituent mécaniquement l’épargne par la consommation essentielle ;

(3) l’informalité élevée et la faible profondeur financière, où avec plus de 40 % de l’emploi dans l’informel, l’accès au crédit reste limité et la confiance dans les instruments financiers domestiques est faible. Cela encourage la constitution d’épargne en devises ou sous forme d’actifs tangibles, en dehors du circuit financier, et

(4) l’effondrement de la productivité. Là, la stagnation du PIB par habitant et les anticipations de revenu futur très faibles réduisent la propension à épargner, conformément aux approches du revenu permanent et du cycle de vie. Pris ensemble, ces éléments montrent que la baisse de l’épargne ne résulte pas d’un mécanisme isolé, mais d’un faisceau de contraintes cumulées et spécifiques au contexte tunisien.

Ces éléments enchevêtrés, appellent à une approche éclectique (prenant en compte les références théoriques -si diverses soient-elles, comme repères multiples, et teste celles les plus adéquates. En effet, la Tunisie combine plusieurs caractéristiques :

(1) Les contraintes d’une petite économie ouverte (la vulnérabilité d’un pays à faible productivité, la fragilité institutionnelle d’un pays en transition, les rigidités structurelles du marché du travail et du système financier).

Aucune approche théorique unique ne peut capturer cette complexité. Seule une démarche éclectique, mobilisant à la fois :

(1) les déterminants classiques (revenu, cycle de vie, taux d’intérêt),

(2) les déterminants structurels propres aux pays émergents et en développement (vulnérabilité externe, informalité, faible productivité), et

(3) les déterminants institutionnels et politiques spécifiques à la Tunisie (instabilité, crise budgétaire, perte de confiance), permet d’identifier les véritables moteurs de l’effondrement du taux d’épargne, et les classer en ordre d’importance, pour en déduire des recommandations de politiques économiques pertinentes.

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