L’État veille... à fermer les yeux!

À Fernana, ville du gouvernorat de Jendouba, le toit d’un lycée s’est effondré sur ses élèves. Pas une statistique, pas une ligne dans un rapport; des élèves, avec leurs cartables, leurs rires et leurs rêves. Hier, leurs cris se mêlaient au silence d’un pays qui avait longuement tourné le dos et détourné le regard.

Ce n’est pas la première fois. Ni à Jendouba, ni à Sidi Bouzid, ni à Kasserine. Ce sont presque toujours les mêmes régions oubliées, celles que l’on appelle avec une condescendance administrative: l’intérieur du pays. Mais derrière ce mot, il y a des villages, des familles et des enseignants qui se battent avec presque rien.


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Répéter les mêmes drames, ce n’est plus un accident. C’est un abandon. C'est une politique. C'est un système. Un système qui dit aux enfants: votre vie vaut moins que les promesses politiques.

Pendant que les bilans officiels s’écrivent en chiffres, les murs des écoles publiques se fissurent, les plafonds se détachent et les pupitres s’usent. Or, dans les grandes villes, les écoles privées s’élèvent, vitrées, modernes, avec des logos en anglais et des slogans creux sur "l’excellence internationale". Dans les grandes villes, les parents achètent la sécurité et l’avenir. À l’intérieur du pays, les familles prient pour que le toit tienne jusqu’à demain.

Ce n’est ni ironie ni régionalisme. Ni même une plainte localisée. C’est la vérité, toute nue. Dire que Jendouba, Sidi Bouzid ou Kasserine sont oubliées, ce n’est pas opposer l’intérieur au littoral, c’est simplement nommer l’évidence; des enfants vivent et étudient dans des conditions indignes, et cela devrait révolter la nation entière. Refuser de voir cette réalité au nom d’une unité de façade, c’est ajouter du mensonge à l’abandon.

L’école publique tunisienne, jadis fierté nationale et pilier de l’ascension sociale, est devenue un lieu de survie. Les enseignants continuent malgré la fatigue, les enfants apprennent malgré le froid et les parents espèrent malgré la peur. Mais l’État, lui, s’est effacé.

Ce qui s’effondre, ce ne sont pas seulement des murs. C’est une promesse; celle que chaque enfant, où qu’il naisse, aurait droit à la même chance. Mais ce n’est qu’une promesse brisée.

Jendouba, Sidi Bouzid, Kasserine… Ces noms devraient rappeler la dignité et la résistance. Ils rappellent désormais le mépris et l’oubli. Tant que la vie d’un élève et sa sécurité pèseront moins que l’étalement d’une politique de laxisme, la Tunisie restera divisée entre ceux qu’on voit et ceux qu’on laisse dans l’ombre.

Le bruit de ce toit qui s’est effondré devrait résonner jusque dans les bureaux des décideurs et de ceux qui prétendent gouverner. Car ce n’est pas un simple incident, mais c’est encore un avertissement; quand l’école publique s’écroule, c’est l’avenir de tout un pays qui s’effrite.

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