Liberté à Ahmed Souab, coupable d’avoir parlé

L’arrestation de Ahmed Souab illustre une dérive inquiétante; transformer la parole critique en crime d’État, c’est miner les fondements mêmes de la liberté et de la justice.

Avocat et ancien magistrat, Souab a été arrêté le 21 avril 2025, son domicile perquisitionné, puis placé sous mandat de dépôt. Les accusations qui pèsent sur lui relèvent de la loi antiterroriste et de la "sûreté de l’État", des chefs d’inculpation disproportionnés, déclenchés par de simples déclarations critiques à l’occasion du procès dit du "complot contre la sûreté de l’État".

Cette arrestation n’est pas surtout un fait isolé; elle s’inscrit dans une série de poursuites visant des avocats, des journalistes et des opposants, et révèle une stratégie politique claire: criminaliser la parole dissidente pour intimider et réduire au silence ceux qui osent contester le pouvoir.

La gravité de l’affaire ne réside pas seulement dans l’arrestation d’un homme, mais dans le détournement de l’appareil judiciaire. En assimilant des propos critiques à une menace terroriste, le pouvoir brouille volontairement les frontières entre opinion, opposition et crime. La loi antiterroriste, conçue pour protéger la société contre la violence armée, est ici utilisée pour museler un avocat, tandis que le Pôle du terrorisme, institution née pour juger les affaires de sécurité nationale, devient un outil de contrôle politique. La disproportion des charges: "menaces" et "atteinte à la sûreté de l’État" pour de simples déclarations, révèle une volonté punitive, non une recherche de justice, et confirme que la justice est instrumentalisée pour servir des intérêts de pouvoir.

Or, l’affaire Souab met en lumière une contradiction fondamentale; comment un État peut-il se prétendre démocratique tout en emprisonnant ses critiques pour leurs mots ou leurs opinions? La liberté d’expression n’est pas un luxe, mais un pilier de l’État de droit. En Tunisie, elle fut conquise au prix de luttes et de sacrifices. La réduire aujourd’hui, c’est trahir l’esprit de la révolution et replonger dans les logiques autoritaires que l’on croyait révolues. C’est pourquoi la vague d’indignation qui a suivi son arrestation de la part d’avocats, d’organisations civiles et de citoyens, n’est pas seulement un réflexe corporatiste, mais l’expression d’une conscience collective; si la parole d’un avocat peut être criminalisée, alors nul n’est à l’abri.

Défendre Ahmed Souab, c’est défendre la possibilité de critiquer, de débattre, de contester, voire de s’exprimer vertement. C’est rappeler que la démocratie ne se mesure pas au silence imposé, mais à la vigueur des voix qui s’élèvent. L’affaire Souab devient ainsi un test de vérité pour la Tunisie; soit la justice retrouve son indépendance et rejette l’instrumentalisation politique, soit elle s’enfonce dans une logique de répression qui fragilise durablement la légitimité de l’État.

Dans ce combat, il ne s’agit pas seulement de la liberté d’un homme, mais de la liberté de tous, car chaque mot bâillonné aujourd’hui, prépare le silence de demain.

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