Il est des textes qui se veulent des leçons de morale et qui ne sont, en vérité, que des crachats enrobés de rhétorique. Cet article publié dans "La Presse" en est un exemple achevé; une diatribe contre tout esprit critique ou opinion différente, écrite avec la morgue satisfaite de quelqu’un qui confond journalisme et conformisme intellectuel prêt-à-penser.
Samir Dridi, ce plumitif, illustre inconnu qui se pare des oripeaux de la dignité nationale, n’est en effet que le greffier d’un pouvoir et d’un journalisme qui nourrissent son hostilité. Il traite de "patriotes de salon" les commentateurs du net, mais s’installe lui-même dans le fauteuil capitonné de la servilité. Il fustige les indignations numériques, mais son propre indignation imprimée n’est qu’un écho servile et une basse continue de la propagande.
Son vocabulaire vulgaire, saturé de clichés (mouches du coq, aboyeurs du net, etc.), trahit une pauvreté intellectuelle abyssale. Ce n’est pas de la critique, c’est de la bile. Ce n’est pas de l’analyse, c’est de la rancune recyclée. Et l’on voudrait faire croire que cette prose indigente incarne la voix de la raison, alors qu’elle n’est que le bruit de fond d’un journaleux qui a clairement renoncé à penser.
Plus grave encore: ce scribouillard croit manier la plume, mais il ne manie que le gourdin. Son article n’éclaire pas, il détruit. Il ne cherche pas à comprendre, mais à réduire au silence. Il ne vise pas à ouvrir le débat, mais à le verrouiller. C’est une prose de police. Une prose de commissariat où chaque mot sert à dresser un procès-verbal contre l’esprit critique.
Et que dire de sa posture morale? Il se drape dans une indignation de commande, comme un acteur fatigué récitant un texte qu’il n’a pas écrit. Son patriotisme est une marchandise de bazar, un produit frelaté qu’il écoule pour masquer sa propre impuissance. Il accuse les autres de jouer au théâtre du virtuel, mais sa propre scène est celle de la prostitution intellectuelle institutionnalisée.
Ainsi va cet article, une tribune de la haine feutrée, de la laideur rhétorique et de la médiocrité intellectuelle. Il ne questionne pas, il condamne. Il ne sert pas le citoyen, il sert le maître.
Et qu’on ne s’y trompe pas; les véritables "aboyeurs" ne sont pas ceux qui s’agitent sur les réseaux sociaux, mais bien ces journaleux domestiqués, qui aboient à la demande, qui mordent sur commande, et qui, une fois leur besogne accomplie, retournent docilement à leur niche.
La Tunisie mérite mieux que ces scribes de la rancune et de la honte. Elle mérite une presse libre, exigeante, capable de penser au lieu de répéter, d’éclairer au lieu d’assombrir. Et tant que l’encre servira à salir plutôt qu’à comprendre, tant que les journaux se feront les porte-voix de la haine et de la servilité, la presse écrite ne sera qu’un mausolée de papier, où l’intelligence est mourante.