Dans les ruines de "Les origines du totalitarisme" [2/3]

Ce qui, pour Arendt, rend les masses des sociétés européennes (occidentales) vulnérables à la propagande totalitaire, c’est leur déracinement soit, dans ses propres termes leur essential homelessness – le monde, leur monde a cessé d’être habitable pour elles. Elles ont perdu prise sur la réalité. La propagande totalitaire leur propose des fictions qu’elles vont adopter et par la grâce (toute illusoire) desquelles le présent devenu labyrinthique et incompréhensible va retrouver son intelligibilité. Cette analyse a sa pertinence, mais quid de la situation des masses dans les espaces où les phénomènes totalitaires ne sont pas parvenus à maturité, où les mouvements totalitaires ne sont pas parvenus au pouvoir ? Comment l’essential homelessness des masses y est-elle prise en compte, à défaut de pouvoir y être soignée, guérie ? Le trait spécifique de la propagande totalitaire, selon son analyse, c’est sa capacité à promouvoir, par des constructions narratives appropriées, une réalité alternative à la réalité réelle, une fiction de réalité dans laquelle tout redevient intelligible, « tout s’explique » - ce qui fait signe, soit dit en passant, en direction du complotisme tel qu’il prospère aujourd’hui sous les latitudes de la démocratie libérale.

Mais quid de l’encadrement et de la saisie des masses par les appareils du gouvernement des vivants dans les démocraties libérales ? On accordera volontiers à Arendt que ces dispositifs diffèrent amplement, visiblement de ceux que, dans les années 1930-40, les régimes nazi et stalinien mirent en place. Mais le constat de ces différences et spécificités évidentes ne vaut pas comme démonstration du fait que les moyens, les appareils et les technologies de mobilisation (ou immobilisation) des masses dans les démocraties libérales n’auraient pas, eux, l’effet d’enfermer celles-ci dans des mondes imaginaires ou alors dans de les tenir captives de fictions moins fictives que celles que promeuvent les pouvoirs totalitaires. Autrement ne veut pas dire moins, ici ; or, toute la démonstration proposée par Arendt repose sur le présupposé de l’existence d’une différence absolue et d’une discontinuité essentielle entre la façon dont les pouvoirs totalitaires détournent les masses de la réalité et les moyens mis en œuvre, en démocratie libérale, par les industries culturelles, la publicité, la propagande étatique, etc.

En d’autres termes, l’analyse d’Arendt repose sur cette sorte de common sense qui se fie à l’affichage par les régimes totalitaires de leur côté délirant et mégalomane, elle prend pour argent comptant le clinquant terrifiant des parades militaires et des rassemblements de masse, ce qu’on pourrait appeler l’effet Riefenstahl du nazisme, le tape-à-l’œil militariste de la mobilisation totale. Mais elle tombe ici dans le même panneau que les commentateurs occidentaux qui détectent aujourd’hui dans les grandes parades militaires de Pyongyang, Moscou ou Pékin non seulement la manifestation irrécusable du caractère autoritaire des régimes en question, mais surtout de leur différence quintessentielle d’avec les démocraties libérales. Or, il s’avère ici, à l’âge de Trump, Netanyahou et des « frontières de l’OTAN », que les choses sont un peu plus compliquées : les différences, pour autant qu’elles existent (ce qui est assurément le cas) ne se situent pas nécessairement là où le considèrent comme acquis ceux qui, en Occident, poussent des cris à la vue de ces parades.

Le critère premier que met en avant Arendt en vue de qualifier les dispositions ou la condition subjective des masses modernes est la « fuite hors de la réalité ». Celle-ci, selon elle, « constitue le verdict contre le monde dans lequel elles sont forcées de vivre et dans lequel elles ne peuvent pas exister ». Or, ce trait général est aussi bien l’humus sur lequel prospère le délire propagandiste totalitaire que celui qui, dans les démocraties libérales, fait le miel des industries culturelles, de la publicité, de la propagande des partis politiques et des machines gouvernementales. Ce qui demeure donc le grand absent de l’analyse d’Arendt, c’est une comparaison entre la manière dont les masses perdent le contact avec la réalité en situation totalitaire et dans des conditions non-totalitaires. Plutôt qu’avancer dans le sens d’une telle comparaison, elle assène : « la propagande totalitaire peut défier de façon flagrante (outrageously insult) le sens commun, là où le sens commun a perdu toute validité ». L’évidente présupposition est ici que, dans les démocraties libérales ou, plus généralement en situation non-totalitaire, les masses ne subissent pas des formes d’aliénation ou ne perdent pas le contact avec la réalité, ne sont pas portées à fuir une réalité au point de devenir poreuses à des formes de propagande qui « défient ouvertement le sens commun ».

Or, à l’évidence cette présupposition repose non pas sur l’expérience, l’analyse, la vérification, mais sur la familiarité – ce qui nous porte à considérer comme naturel, « normal » (dans les normes) dont acceptable, ce avec quoi nous pouvons coexister en tant que cela constitue notre milieu vivant ; ou bien, dans les termes de Foucault, ce dont nous ne saurions imaginer que cela se présente ou se passe « autrement » ; ce qui, pour d’autres (extérieurs à notre sphère ou notre « bocal » - Paul Veyne), paraît frappé de la plus inquiétante des étrangetés ou bien encore, qui constitue un scandale absolu. Ce n’est que du point de vue interne à la normativité et la normalité libérales que Arendt peut statuer que le spécifique du totalitaire est la disparition de toute puissance régulatrice ou modératrice du sens commun – de toute capacité de celui-ci à résister à la propagande et à rester en contact avec la réalité.

Or, il suffit de faire un pas de côté hors du champ de cette normativité libérale, dans l’espace du « ici et maintenant » où s’écrit le livre d’Arendt, pour voir se brouiller l’évidence du partage opéré autour de l’abolition ou du maintien du sens commun. Là et où quand s’écrit les Origines... le sens commun est outrageously insulted par la façon dont la propagande de guerre des Etats-Unis a durablement enraciné dans les esprits de la population de ce pays la conviction selon laquelle les villes de Hiroshima et Nagasaki ont été détruites par des bombes atomiques pour le bien de l’humanité et le salut de la civilisation humaine. On ajoutera que cet outrage au sens commun diffusé par cette propagande s’est si profondément enraciné qu’il est devenu, au fil du temps, le cœur d’un récit de légitimation intouchable autour duquel continuent de se trouver rassemblées tant l’autorité étatique que la population, aux Etats-Unis - ceci au point que tout récit dissident voue inévitablement ses auteurs aux gémonies, et plus que jamais aujourd’hui, au temps de la post-vérité trumpienne.

Le propre de la propagande totalitaire, soutient Arendt, est de mettre en circulation des récits qui tendent à effacer la réalité ou, du moins, à en rendre les contours flous et insaisissables. Ces récits sont si puissants et le sens commun des masses si affaibli qu’ils parviennent à inculquer à celles-ci la croyance en l’existence d’une autre réalité, de substitution, une réalité imaginaire plus vraie que la vraie. Mais il n’est même pas besoin de suivre Adorno dans ses jérémiades déclinistes pour établir sans conteste que ce cadre d’analyse se transpose parfaitement dans le contexte nord-américain de la même époque – il y suffit de faire un retour sur le cinéma hollywoodien et la publicité de ces années. On trouvera en annexe quelques exemples de la façon dont Hollywood réinvente la réalité de fond en comble, au gré des circonstances politiques, des batailles idéologiques, des usages ornementaux de la conquête de l’Ouest et de l’histoire coloniale qui lui conviennent. On trouvera aussi dans le petit essai fort stimulant de Beatriz Colomina, La pelouse américaine en guerre, de Pearl Harbor à la crise des missiles, 1941-1961 (Editions B2, 2011) force exemples probants de la façon dont, aux Etats-Unis, la publicité promeut, avec une redoutable efficacité et à l’usage de la masse des fictions terriblement efficientes telles que celles de la parfaite innocuité du DDT et autres produits chimiques de même espèce, ou bien encore, dans le contexte de la crise des missiles, l’utilité de construire dans son jardin, sous la pelouse, un abri anti-atomique familial. Les proliférations imaginaires réglées et alignées sur les intérêts du marché ne sont pas ici moins compactes et éloignées de la réalité que celles qui prospèrent à l’époque dans les espaces récusés comme totalitaires.

La désignation avantageuse d’Hollywood comme « usine à rêves » vient dissimuler des opérations dont le fond est entièrement conforme à ce que Arendt désigne comme le propre de la propagande totalitaire : la fabrication et la diffusion de récits (de fictions) dont le propre est d’être à ce point émancipés des faits, de la réalité passée et présente, qu’ils constituent un outrage permanent au sens commun. L’expression « usine à rêves » est l’euphémisme flatteur qui se destine à masquer des procédures, des dispositifs, des techniques, des systèmes d’interactions dont le propre est bel et bien la destruction de la réalité ou, si l’on préfère, de la capacité des masses à s’assurer des prises sur celle-ci, à distinguer le vrai du faux, le réel de l’imaginaire ; un système général de mise en fiction du monde ou de productions narratives dont le propre est d’être placé sous l’emprise du fantsmatique, au-delà même de l’imaginaire à proprement parler.

Ce qui fait constamment défaut à l’essai d’Arendt, c’est la faculté d’estrangement (Montaigne) par rapport à sa société d’adoption – la capacité à percevoir la démocratie de marché et le mode de vie libéral comme étant, eux aussi, la voie royale de la domination universelle du simulacre, donc de la fuite généralisée dans l’imaginaire. Ce qui rend possible aujourd’hui cette relecture radicalement critique de Les origines du totalitarisme, ce sont les effets conjugués de l’effondrement de l’institution symbolique de la démocratie libérale et des puissants effets de brouillage de la réalité produits par l’irruption des nouvelles technologies directement branchées sur les appareils cognitifs – le digital, l’intelligence artificielle. A bien des égards, les techniques mises en œuvre par la propagande totalitaire en vue de soumettre les masses à l’ascendant des dictateurs apparaissent rétrospectivement primitives et limitées dans leurs moyens en comparaison des formes d’investissement et de conquête des espaces subjectifs dont les masses contemporaines font aujourd’hui l’objet.

C’est aujourd’hui à des formes d’occupation mentales et comportementales autrement invasives, persistantes et durablement déréalisantes que les masses ont affaire. La propagande totalitaire, aussi intimement associée à la terreur et à la mobilisation totale des masses qu’elle ait pu être, comportait de tels traits d’aberration et d’énormité (le culte du Chef, la paranoïa, l’énormité des mensonges propagés, la surveillance, la délation...) qu’elle ménageait paradoxalement pour des interstices de résistance, de quant-à-soi, de persistance du jugement critique dans lesquels les sujets individuels persévéraient à redresser les énoncés à propos du présent et à tenter de reconstituer des bribes de réalité « réelle ». Et puis surtout, comme nous le savons aujourd’hui, elle présentait des fragilités qui contrastent entièrement avec la résilience des formes de gouvernement de la masse par tous les moyens de méta-propagande qui nous sont familiers, dans les démocraties de marché à l’ère de la communication totale.

L’enveloppement subreptice et infiniment différencié des sujets individuels par des technologies rendant possible le reformatage sans limite du récit du présent et de l’état du monde dessine aujourd’hui une configuration générale dans laquelle la notion même de propagande se trouve renvoyée vers les mondes anciens, frappée de désuétude. La propagande totalitaire, par définition, créé l’espace d’une contre-propagande et, mieux encore, laisse intacte la possibilité d’une persévérante reformulation (en forme de redressement) des énoncés distordus, telle que la prônait (et la pratiquait) exemplairement Bertolt Brecht. Dans cette configuration, faire valoir les droits du réel et prévaloir la vérité contre les mensonges propagés par la propagande totalitaire demeurait un horizon dans lequel pouvaient s’inscrire ceux/celles qui combattaient les dictatures fascistes ou le stalinisme. Dans l’époque balisée par l’effondrement de l’institution symbolique de la démocratie libérale (pour autant que celle-ci conservait un lien avec la valeur de la vérité) et l’irrésistible ascension des machines à produire des récits émancipés de tout souci du réel, le geste brechtien de reformulation des énoncés dans l’horizon de la vérité et du souci du réel devient infiniment plus difficile à effectuer. L’époque, en ce sens, est placée sous le signe d’une sorte de surtotalitarisme gazeux – dans le Nord global, les corps (la masse dans sa forme physique) sont encore relativement ménagés, mais pour le reste, la « fuite hors de la réalité » est devenue la règle, le fondement du mode de vie administré par les élites gouvernantes.

Chez Arendt, comme chez d’autres (Adorno, après son retour en Allemagne de l’Ouest), les apories (points aveugles, angles morts...) de l’analytique de l’âge de la masse s’associent étroitement à la défaite (ou la capitulation) de la pensée face à la question clé du communisme – les usages et la place de ce signifiant dans la topographie de l’analyse, les chaînes d’équivalence dans lesquelles il est pris. Chez Adorno, le tranchant de la pensée critique (Minima Moralia) s’émousse dès lors que celle-ci tourne au ressassement apocalyptique de tournure de plus en plus explicitement néo-conservatrice, une posture qui débouche, logiquement, après son retour en Allemagne occidentale, sur un anticommunisme déclaré. Chez Arendt, le glissement fatal se produit là où son analytique du totalitarisme se trouve embarquée, enveloppée dans les plis du discours anticommuniste qui structure non seulement la pensée conservatrice mais la pensée libérale aussi, en Amérique du Nord, au temps de la Guerre froide. Les vocables « communisme », « communiste », saisis comme ils sont dans un champ de tensions extrêmes entre le discours de l’émancipation et les crimes (et aberrations) de la direction soviétique, se trouvent réduits aux conditions d’une démonologie et du plus sommaire des manichéismes dès lors qu’ils sont déclarés solubles dans les termes « totalitaire », « totalitarisme » et que font autorité les chaînes d’équivalence où ces termes deviennent indissociables.

Dans Les origines du totalitarisme, Arendt ne trace pas de ligne rouge entre son approche des phénomènes totalitaires et le monde densément peuplé de l’anticommunisme professionnel, où s’activent tout particulièrement les renégats du communisme de tout poil, autochtones et émigrés confondus – à commencer par son mari, Heinrich Blücher ; ce sont ces repentis qui sont devenus, durant la Guerre froide, à la fois les bouches à feu et les banques de données de la propagande anticommuniste, antisoviétique qui, aux Etats-Unis, se distingue par son caractère particulièrement vulgaire, manichéen, fantasmagorique et hyperbolique (voir les exemples placés en annexe).

Or, tout usage de la notion de totalitarisme qui cède sur ce point - qui ne fait pas la différence entre communisme et totalitarisme, qui assimile le communisme au totalitarisme – est condamné à dériver au gré du courant de sa pure et simple idéologisation – à devenir un outil de guerre froide.

Le communisme, par quelque bout qu’on le prenne (idéalité ou idéal, concept, monde pratique, mouvement...) présente toujours un excédent radical par rapport à la somme des agissements susceptibles d’être mis au compte de ceux qui sont supposés l’incarner. Le communisme survit à son étatisation désastreuse, sa première propriété étant sa capacité à se relancer en se différenciant d’avec lui-même (la capacité ou puissance de « reprise » est l’un de ses principaux attributs). L’analytique arendtienne échoue sur cet écueil, à défaut de s’y fracasser entièrement. Entravée par la chaîne d’équivalence dans laquelle communisme et totalitarisme sont soudés l’un à l’autre, elle ne franchit pas le pont-aux-ânes de son idéologisation toujours plus marquée, de la première à la seconde Guerre froide.

Ici se détectent les plus embarrassantes des parentés entre la réception durable (la postérité) d’Arendt et celle d’Orwell : ce sont constamment les surdéterminations idéologiques qui ont pour effet qu’il.elle sont l’un comme l’autre universellement célébré.e.s pour ce qu’ils ont écrit de plus attendu, de plus approximatif, parfois de plus médiocre – respectivement Les origines du totalitarisme et 1984 ; ceci, alors même qu’ont été longtemps tenus pour quantité négligeable, quand ils n’étaient pas férocement et vicieusement attaqués, des textes qui auraient amplement suffi à leur assurer une flatteuse réputation pour les temps et les temps – Burmese Days, nombre de brefs essais ou longs articles, Hommage à la Catalogne, jusqu’à un certain point, concernant Orwell ; Eichmann à Jérusalem et La tradition cachée, du côté d’Arendt…

Or l’opérateur de cette perpétuelle confusion à propos de la qualité des œuvres, c’est le communisme ou plus exactement la surdétermination anticommuniste qui débouche sur l’attribution d’une plus-value systématique à des œuvres mobilisables dans la perpétuelle croisade de l’Occident conservateur et libéral contre le communisme. On le voit bien aujourd’hui, au temps de la seconde Guerre froide : la doxa anticommuniste à prix cassés est aujourd’hui mécaniquement et sempiternellement orwellienne comme elle est arendtienne, à l’échelle globale, dans les journaux d’extrême centre et revues de sciences politiques de Paris comme de Tokyo, de Melbourne comme de Santiago du Chili.

De manière toujours croissante, alors que se dessinaient les contours de la seconde Guerre froide, la réception occidentalo-centrée d’Orwell et d’Arendt les a réduits aux conditions de l’opération basse consistant à rendre interchangeables les termes « totalitarisme » et « communisme ». Or, cette opération est normalisatrice avant tout, destinée, depuis la dernière décennie du XXème siècle, à créer les conditions de la conversion des libéraux et progressistes de tout poil au monothéisme compact de saison – la foi en la démocratie de marché, forever, sans alternative.

C’est ainsi que la réception d’Arendt s’est inexorablement déplacée vers la droite, vers l’antitotalitarisme toutes mains, envers du nouvel hégémonisme occidental. Les origines du totalitarisme a été capté par la pensée binaire qui sert désormais de boussole au discours occidental de Guerre froide dans le contexte de l’affrontement annoncé avec la Chine et ses alliés, elle a résolument glissé du côté de l’identitaire (« nous »/ »eux ») et du majeur (la doxa, l’idéologie de combat plutôt que la pensée critique). La philosophie politique de Arendt qui trouve ses sources du côté des parias (le Juif d’avant l’émancipation, le réfugié...) est passée, avec la réception durable de Les origines du totalitarisme, ouvrage auquel elle s’est trouvée de plus en plus exclusivement assimilée) du côté des parvenus, des maîtres du monde, de l’hégémonie occidentale. C’était, dans son inspiration première, une pensée de l’étranger, de la désidentification, des interstices et des déplacements. Mais avec Les origines... se produit, bon gré mal gré, un brutal mouvement de réidentification, de reterritorialisation occidentalo-centrique. C’est un livre qui ne s’extrait de la Guerre froide que pour mieux y retomber, qui, à son corps défendant, assure le passage d’une guerre froide à l’autre.

À suivre…

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