La dette qui plombe l’économie tunisienne

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L’économie Tunisienne connaîtra vraisemblablement une récession de plus de 5 % en 2020. C’est la plus grave récession depuis l’indépendance du pays. Avec l’érosion importante de l'espace budgétaire, les préoccupations relatives à la viabilité (soutenabilité) de la dette constituent un enjeu fondamental pour notre pays. La crise, déjà entamée avant la pandémie, a accru la vulnérabilité extérieure et a sensiblement réduit les tampons extérieurs.

Les ratio dette/PIB devraient atteindre un niveau supérieur à 100 % du PIB d'ici à la fin de 2020. Plus encore, dans la perspective d'une reprise incertaine et prolongée pour les principales sources de recettes du pays (produits manufacturés, phosphate, tourisme et envois de fonds), les réserves internationales pourraient se contracter considérablement et les besoins bruts de financement externe devraient atteindre des niveaux records.

Par pragmatisme, ce qui compte pour éviter une crise de la dette c’est le ratio de cette dette rapportée à la capacité de payer. Les besoins de financement bruts qui en résultent doivent donc être évalués avec précision.

La façon dont le marché perçoit les risques souverains doit aussi être intégrée sur la base de la structure d’échéance de la dette, sa composition en monnaies, sa base de créanciers, etc. Notre dette est viable si le gouvernement ne doit pas, à l’avenir, faire défaut, renégocier ou restructurer sa dette ou procéder à des ajustements excessifs. La viabilité exclut en conséquence :

• La restructuration de la dette.

• Un rythme d’accumulation de la dette qui excède la capacité à en assurer le service.

• Un rééquilibrage majeur de la dette pour en assurer le service.

Pour minimiser les risques de liquidité, il faut prendre garde à 5 facteurs essentiels :

1. La façon dont le pays est perçu par le marché.

2. La structure d’échéance de la dette.

3. La composition de la dette en monnaie étrangère.

4. La disponibilité des actifs liquides.

5. La base de créanciers et en particulier la part des créanciers non-résidents.

On parle de vulnérabilité lorsqu’il y a risque que les conditions de liquidité ne soient pas respectées et que l’emprunteur entre en crise.

La dette extérieure désigne l’ensemble des dettes qui sont dues à des non-résidents et comprend la dette publique, la dette garantie par l’État, la dette privée non garantie à long terme, la dette à court terme et l’utilisation des crédits du FMI. Au 31 décembre 2019, la dette extérieure brute est évaluée à près de 39.3 milliards de dollars US pour un PIB évalué à 38.8 milliards de dollars ; soit un taux d’endettement extérieur brut de 101.4%.

Cette dette se compose de 70% de dette de long terme, de 23% de dette de court terme et de 7% d’utilisation des crédits du FMI. La dette garantie par l’État représente 64% du stock total de la dette extérieure et plus de 91% du total de la dette de long terme. Les créanciers officiels s’accaparent un peu moins de 43% de la dette, contre 27% pour les créanciers privés et 7% pour le FMI. Le reste, 23%, représentant la part de la dette de court terme.

Les créanciers privés nous chargent un taux d’intérêt moyen autour de 7-8% pour une maturité moyenne de 6 années et une période de grâce d’un peu plus d’une année. En revanche, le taux d’intérêt moyen des créanciers officiels (multilatéraux et bilatéraux) se situe autour de 3% pour une maturité moyenne de 16 années et une période de grâce de près de 3 années.

La structure de la dette en devises devrait refléter la structure des échanges commerciaux du pays, ce qui contribuerait à protéger le portefeuille de la dette de l'exposition au risque de change et réduirait ses effets sur le service et l’encours de la dette.

Une couverture naturelle ferait donc prévaloir la domination de l’euro compte tenu de l'importance des relations commerciales de la Tunisie avec les pays de l'Union européenne. La part de la dette extérieure publique ou à garantie publique libellée en euro ne représente plus que 37% (un peu plus de 49% en 2010), soit presque la même part du dollar US 35% (12.5% en 2010).

Les besoins de financement bruts (BFB) correspondent au déficit budgétaire, augmenté de l'amortissement de la dette extérieure à moyen et long terme et de la dette à court terme à la fin de la période précédente. Ils correspondent donc au montant de financement nécessaire pour couvrir le déficit plus l'amortissement de la dette. Rapportés au PIB, ils constituent un indicateur des problèmes de liquidité potentiels. Avec une dette à courte terme représentant seulement 23% de la dette totale, la Tunisie atteindra un niveau des BFB qui représentera 39% du PIB ou encore 180% des réserves en devises prévues en 2020.

Une telle situation expose notre pays à la vulnérabilité à des arrêts soudains des financements (flux officiels ou privés), occasionnant des restrictions aux opérations courantes et aux opérations en capital, une crise monétaire, une crise bancaire, une forte réduction des dépenses primaires, moins de flexibilité pour conduire la politique contracyclique, une hausse des taux d’intérêt, une éviction des investissements privés, une récession, un endettement excessif, une hausse de la prime de risque, voire un défaut de paiement.

Maintenant que vous êtes prévenus, vous êtes libres à vous laisser empoisonner par les marchandises intellectuelles frelatées qui ne font que renforcer votre servitude et celle du pays.

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