Journal d’un « Covidé », patient parmi tant d’autres

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[Note : Si vous cherchez des conseils pratiques pour faire face à une infection par le virus, allez directement en fin de texte]

Jour 1

J’y suis. Ou presque. Après la conjonctivite, la respiration qui sifflait et grattouillait depuis quelques jours s’est transformée en toux sèche, insistante. Pas de fièvre. Mais je sens que je vais y avoir droit. Journée habituelle. Télétravailler. Relayer toutes les créations humoristiques autour du virus. Fulminer contre la porte-parole du gouvernement qui explique que les masques sont inutiles parce que l’on ne serait pas capable de les mettre correctement. Comment peut-on proférer pareilles âneries ? Pauvre aghioula, incarnation physique du mensonge et de la com’.

Jour 2

38.4 au réveil. J’y suis vraiment. Appeler le médecin, c’est l’instruction donnée par les sites officiels. Je me déplace au cabinet. Heureusement, j’ai un masque chirurgical. Je croise des abrutis qui font leur footing, soufflant comme des veaux, balançant leurs miasmes à tout va. Je n’ai pas l’énergie pour les insulter. Chez le docteur, vérifications d’usage. La fréquence cardiaque, le taux d’oxygène, tension. On m’inscrit dans la base de surveillance Covidom qui prendra de mes nouvelles. En attendant, repos et paracétamol. Pas de test. Pas de masques. Pénurie. Bravo Macron.

Il faut attendre, se reposer et, surtout, espérer que l’état respiratoire ne se dégrade pas. Si c’est le cas, appeler le SAMU (le 15). A la pharmacie, regard mi-inquiet, mi-bienveillant de l’apothicaire. C’est fou comme on apprend vite à décoder les mimiques derrières les masques… Nous fabriquons aussi du gel, me dit-elle. La vente de paracétamol est limitée à une boîte mais j’ai une ordonnance qui me permet d’en acheter deux.

La semaine dernière, les Parisiens qui ont quitté la capitale avant le confinement en ont acheté par dizaines… Retour à la maison. Il faut organiser la quarantaine dans le confinement. Plaisanter, parce qu’il le faut bien. Télétravailler un peu. Dormir. S’éveiller, brûlant, à l’heure où les médecins sont applaudis. Pas de force pour se joindre au mouvement. Paracétamol, vitamine C.

En soirée, j’informe quelques ami.e.s. Du Valais, je reçois ces recommandations d’un immunologue via une vaillante infirmière : « Une dose standard de 25 mcg (1 000 UI) de vitamine D3 par jour. Et je recommande au moins 3 000 milligrammes (ou plus) de vitamine C par jour, en doses fractionnées. Et très important : prise de 15 mg de zinc par jour sous forme de composé facilement assimilable (citrate/gluconate). La vitamine C favorise clairement à haute dose la fabrication des globules blancs. Les effets sont excellents. Pas d'ibuprofène, rester tranquille et prendre du paracétamol. » Je repense à Jean-Michel Apathie, ce rien absolu, spécialiste de tout, évoquant une simple « grippette ». Je repense aussi à l’infect Yves Calvi et ses mots prononcés alors que la crise frappait déjà : « J’vais choquer tout le monde en disant ça mais la pleurniche permanente hospitalière fait qu’on est en permanence au chevet de notre hôpital ». Pauvre mec. Inutile mais ô combien malfaisant.

Jour 3

Une sale nuit. 39.7 de fièvre, voire plus. Des cauchemars en pagaille. Des pensées incohérentes. Au réveil, la température a un peu baissé mais j’ai l’impression d’avoir été rossé par plusieurs gourdins. Je remplis mon questionnaire de santé Covidom. Je me demande à quoi cela peut bien servir mais sait-on jamais. Une petite voix moqueuse me dit que cela servira un jour à repérer les malades et à les parquer dans les catacombes ou dans un stade…

En tous les cas, dans ce torrent d’informations sur la pandémie, quelque chose manque : des indications sur la maladie elle-même. On parle beaucoup des symptômes mais il n’y a pas grand-chose sur le moment où tout se déclenche, sur le pendant et sur l’après. J’aimerais bien savoir combien de temps la toux peut durer. J’aimerais bien savoir combien de temps la fièvre peut durer. Surtout, j’aimerais bien savoir s’il y a un moment particulier où cet étrange et inhabituel état grippal peut dégénérer en problèmes respiratoires graves.

Autre chose, on me demande de rester chez moi. D’accord. Je sais que je suis malade (enfin, c’est probable à 90% faute d’avoir été testé) donc il ne faut contaminer personne. Mais comment faire chez soi ? Je suis un privilégié, une amie médecin m’a donné quelques masques. Sans elle, comment aurais-je fait pour protéger les miens ? Ce gouvernement qui affirme que les masques ne servent à rien m’écœure et m’inspire un mépris absolu.

Pas de gel, pas de masques, pas de gants, pas de tests (quoique certains députés, ministres, personnalités du showbiz et grands patrons ont pu y avoir droit, eux…, certains ne présentant pourtant que des « symptômes légers »), pas de chloro-machin chose. Au-delà du fait d’ânonner « restez chez vous », quelle est donc sa stratégie ? En a-t-il une, d’ailleurs ? Je suis certain que toute cette engeance ne pense qu’à une chose : les effets de la pandémie sur l’élection présidentielle de 2022.

Je reçois ce message qui me fait chaud au cœur : « Bats toi carrément et pulvérise ce virus
J’ai lu deux heures sur lui ce matin. Tu fais clairement partie de ceux qui s’en sortent. Courage »
. Cela n’a l’air de rien, mais voilà qui redonne le moral même si une soudaine quinte de toux rappelle que cette saloperie est toujours là.

Jour 4

La fièvre persiste. La toux aussi. Des hauts mais beaucoup de bas… Parfois, j’ai l’impression de tournoyer vers les abysses. Sur Facebook, je trouve un petit groupe de covidés. Echange d’infos, d’astuces. Cela fait du bien. J’y apprends que j’en ai encore pour un moment. Que la période Jour5-Jour10 est assez délicate. On verra bien.

A la maison, j’organise comme je peux le périmètre de sécurité. Se laver les mains à chaque fois qu’on se lève. Porter un masque. Ouvrir et fermer les portes des toilettes et de la salle de bain par le haut, là où aucune autre main n’aura l’idée de se poser. Tout désinfecter après son passage. User et abuser du vinaigre blanc plutôt que de la javel car cette dernière peut aggraver les difficultés respiratoires qui sont mon obsession du moment. Se sentir dans la peau d’un « souillant ». J’en plaisante. Quand je me lève, je fais un bruit de crécelle, mais cela ne plaît guère. Même malade, je ne rencontre aucune indulgence pour mon humour.

Je viens de lire que la République Tchèque a volé des masques et des appareils de réanimation à l’Italie. Et on ne l’a su que parce qu’il y a eu dénonciation sinon l’affaire serait restée secrète. L’Union européenne, me dites-vous ? Je pense que cette crise va remettre beaucoup de choses en question. Le diktat de la Commission sur les affaires économiques et budgétaires ne pourra pas se maintenir ou alors les gens sortiront dans la rue pour tout casser.

Gérard Darmanin, ministre des cadeaux fiscaux pour les plus riches et les multinationales, promet aux personnels de santé que leurs heures supplémentaires leur seront payées. Quelle générosité…

Hier, j’ai poussé un coup de gueule sur les réseaux. Toutes ces injonctions « à faire », à consommer du culturel, à lire, à écouter, m’insupportent. A l’opposé, j’apprécie la manière dont nous travaillons au Diplo. En silence, en réseau, sans s’agiter outre mesure. Des Bénédictins…

Jour 5

L’Aube. En nage. Et voici venu l’autre grand symptôme de cette cochonnerie : perte de goût (agueusie) et d’odorat (anosmie). Bon, pas grave puisque de toutes les façons pas d’appétit. La fièvre est résumée par une chanson de Claude François : ça s’en va et ça revient. Aucune nouvelle, par contre, de Covidom, cette jenfoutrerie destinée à remplir le vide et l’incapacité des autorités à bien gérer cette épidémie.

La com’. Toujours et encore. Le questionnaire à remplir deux fois par jour en dit long… Je ne pense pas que tout le monde soit capable de prendre seul sa fréquence cardiaque, encore moins sa fréquence respiratoire et, cerise sur le gâteau, le questionnaire demande même si on possède chez soi un saturomètre. Un saturomètre, rien que ça… La start-up nation de l’autre, c’est peut-être ça. Du matériel médical chez tout le monde, aux frais des intéressés. Et même, pourquoi pas, du matériel de réanimation…

Dans le même questionnaire on me demande ensuite si j’ai eu des frissons, un malaise et si je suis toujours capable de supporter le confinement. Une fois fini, ça mouline. Puis on me dit que quelqu'un va prendre contact avec moi (jamais, en ce qui me concerne) et qu'il faut appeler le 15 si ça ne va pas. Ah ouais, j’savais pas…

Quand le jour décline, quelque chose d’indéfinissable s’installe chez le malade, qu’il soit chez lui ou à l’hôpital. Ce moment de silence progressif, où les couloirs se vident. C’est l’heure où les nourrissons pleurent, où un sentiment d’oppression s’installe dans les établissements pour personnes âgées. Comme tous les jours, je m’endors quand vient le temps de la nuit et m’éveille aux applaudissements qui fusent dans la rue en soutien au personnel médical.

Je suis trop faible pour aller sur le balcon mais j’espère bien pouvoir sortir bientôt pour crier, non pour hurler, du fric pour l’hôpital public. Il faut que vous sachiez qu’en face de chez moi, un peu décalée, il y a une clinique privée. L’endroit, machine à cash, est depuis longtemps une nuisance sonore pour tout le quartier. Traite-t-il des malades du Covid-19 ? Y pratique-t-on les tests de dépistage pour fortunés anxieux ? A quoi bon se poser ces questions. Comme on dit chez moi. Ils ont. Qu’ils aient plus.

Sinon, grande décision. Pour faire écho à quelques émulations confraternelles, j’ai décidé de laisser pousser la moustache qui ne partira qu’une fois débarrassé de cette saloperie. Me voyant, d’assez loin, un post-boutonneux ose me lancer : « Yo soy Pablo Emilio Escobar Gaviria ! Plata o plomo ? » Le respect se perd…

Jour 6

A l’âge de huit ans, une rougeole m’a sérieusement mis à mal. Plusieurs jours d’une fièvre intense, des parents qui veillent et se relaient pour changer le linge posé sur le front, des cauchemars, des cris, le délire, les draps trempés, un monde nocturne peuplé de monstres et de formes inconnues, puis une longue convalescence où, peu vaillant pour lire, la radio (transistor à longues ondes) fut ma compagne du réveil au coucher.

Radio Chaine III. Emissions culinaires, sportives, culturelles, journaux d’information résumant l’activité du président Boumediene mais aussi bonne musique (Santana, Pink Floyd, Bob Dylan, Joan Baez : respect pour les programmeurs de l’époque) et pièces de théâtres radiophoniques. C’est ainsi que je suis entré dans la secte mondiale des auditeurs, celles et ceux qui peuvent se passer de télévision pendant des mois, voire des années, mais jamais de radio. De cette période, je garde le souvenir de ma première sortie dans le jardin, installé au pied d’un oranger en fleur. Un moment béni. Avant cela, il y eut tout de même ces pieds qui se dérobent au premier lever et la chute.

La rougeole… Vous comprendrez pourquoi j’enrage quand je croise des trentenaires qui m’expliquent, avec la suffisance des idiots, qu’ils refusent de vacciner leurs gamins contre cette saloperie. « Je ne suis pas médecin, mais il me semble que… » : Bah oui, ducon, tu n’es pas médecin. Vaccine tes gosses et ferme-la ! Les postures à défaut du savoir : c’est ainsi que l’on prépare les catastrophes.

Ce virus impose une bagarre difficile. Il est vicieux. Il feint d’avoir perdu la partie et vous réattaque au moment où on pense qu’il a eu son compte. Si au moins je disposais d’un descriptif sérieux de cette saloperie. Mais rien. Lavez-vous les mains et ne sortez pas

En attendant, les motifs de se mettre en colère ne manquent pas. Il suffit de regarder les informations ou d’écouter la radio et l’on se sent soudain submergé par la bêtise humaine. Tiens, aujourd’hui, Emmanuel Macron portait un masque, ce même masque qui manque cruellement aux professionnels de santé… L’image suffit d’elle-même. Lui a droit un masque FFP2, les autres ont un simple masque chirurgical.

Tout est dit. Toujours, toujours se méfier d’un civil qui n'a jamais porté l'uniforme de sa vie, qui a tiré au flanc pour ne pas faire son service militaire et qui, soudain, se pose en chef de guerre. J’aimerais bien que l’ânesse qui sert de porte-parole au gouvernement m’explique pourquoi le président portait un masque alors qu’il n’est pas malade. Les journalistes politiques la poseront-elle, cette question, ou préféreront-ils pondre de longs éditos sur « le ton déterminé du président » ?

Jour 7

Des quintes qui durent des dizaines de minutes. Incapable de faire quoi que ce soit, je participe, symboliquement à la deuxième partie de la réunion titres du journal. Et je m’endors aussi sec… J’attends la seconde vague puisque tout le monde me la prédit.

Parmi les questions qu’il faudra poser devant les instances judiciaires compétentes : pourquoi ce manque de masques ? De gants, de gel et de tests ? Mais aussi qui a décidé de maintenir le premier tour des élections municipales et pourquoi ? Et qui a autorisé la tenue du match Lyon – Juventus ? Dans le premier cas, on sait déjà que nombre d’assesseurs ont été contaminés. Dans le second, silence radio mais vu le chaos italien, qui peut jurer que des contaminations n’ont pas eu lieu pendant et en marge de cette rencontre ?

J’ai laissé tomber Covidom, « l’application développée en un temps record pour lutter contre le virus », me dit un titre de la presse. Lutter… Toz !… Pas un seul appel, pas un seul message, pas un seul conseil concret sur la manière de lutter contre la maladie…

Jour 8

Attendre l’aube. Attendre le chant des oiseaux. Attendre les premiers bruits de la rue (confinement ou pas, il y en a toujours). Attendre les signes de vie. Et pouvoir alors s’endormir. La forte fièvre est de retour. Passage obligé me dit-on ici et là. La toux ne lâche rien. Principales activités du jour : dormir et transpirer.

Je m’interroge. Pourquoi, le vendredi 6 mars, d’un théâtre où il venait de passer la soirée, Emmanuel Macron a-t-il encouragé les Françaises et les Français à continuer de sortir ? Je ne peux pas croire qu’il s’agisse d’inconscience ou d’ignorance. Cela faisait au moins six jours que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait clairement tiré la sonnette d’alarme. Alors quoi ?

J’ai une théorie qui mériterait enquête pour peu que les intéressés acceptent de dire un jour la vérité. Je suis persuadé que le gouvernement français a opté d’abord, sans toutefois le dire de manière explicite, pour l’immunité de masse. En gros, on fait en sorte que le virus circule le plus vite possible et, au bout d’un moment, la population étant en grande partie infectée, sa virulence devient moins grande.

C’est le calcul fait aussi par le premier ministre britannique Boris Johnson avant qu’il ne décide de faire machine arrière. Le choix de l’immunité de masse, rendu caduc par la létalité du virus, expliquerait clairement le peu d’intérêt pour la question des masques.

Jour 9

Seconde vague. Oppression, faiblesse totale. Ce virus est un vrai vicelard… Il provoque des migraines qui, en temps habituel, ne disparaissent qu’avec de l’ibuprofène. Lequel est déconseillé, on ne le dira jamais assez. Bien sûr, ces choses n’ont pas d’intelligence. Mais la manière dont il attaque l’organisme – j’ai lu qu’il avançait masqué – est assez impressionnante.

La grande affaire du jour est le premier ministre français qui affirme qu’il ne « laissera personne dire » que le gouvernement a tardé à prendre les mesures de confinement. Ben si, mon gars, on va le dire, le redire, te le dire et te le redire. On ne va pas cesser de le répéter : le gouvernement d’Edouard Philippe a tardé à prendre la mesure de la gravité de l’épidémie, a exposé des dizaines de milliers de personnes inutilement en leur demandant d’aller voter et a tardé à prendre les mesures de confinement. Voilà c’est dit. Tu vas faire quoi, monsieur le premier ministre ? Faire tirer au Lbd ? Poursuivre pour crime de lèse-ministre ?

Depuis le début de la crise sanitaire, je suis saisi par l’allégeance au pouvoir de nombre d’éditocrates français. Bien sûr, on savait que ces spécialistes de la reptation n’avaient guère de courage, sauf à stigmatiser les plus faibles et celles et ceux qui peinent à faire entendre leur voix, mais là, cet aplatventrisme est saisissant.

Il leur faut absolument sauver le gouvernement Macron. Et la technique d’évitement est toujours la même. On ne parle pas des vrais scandales (absence de masques, de respirateurs), on focalise sur une polémique stérile (l’affaire de la Chloroquine et de la rivalité entre pontes parisiens et le marseillais Raoult) et, au détour d’une pseudo critique on accorde quitus au gouvernement (ah, cet abruti européaniste qui fait la comparaison entre Churchill et Macron…).

De France Inter à BFM, c’est le même verrouillage insidieux, le même refus de porter le fer dans la plaie. Ah que la retenue a bon dos… Le grand problème de ces gens, c’est qu’ils écrivent leurs papiers en pensant d’abord à leurs sources, à l’objet de leur intérêt. Erreur inacceptable en matière de journalisme. Mais, on le sait, les maîtres des éléments de langage veillent au grain et recadrent au besoin.

Jour 10

Les messages de soutien me sont précieux. Poèmes lus. Extraits vocaux. Vidéos humoristiques. Montages comiques. J’admire cette capacité à faire rire les autres quand tant de malheurs s’abattent sur l’humanité. Bien sûr, cela demeure un privilège. Depuis le début de cette pandémie, il ne se passe pas un jour sans que je pense concrètement aux Palestiniens, notamment ceux enfermés dans la bande de Gaza ou dans les camps du Liban, de Jordanie ou de Syrie.

Je pense aussi au peuple syrien. Un ami de Lattaquié avec qui j’ai gardé le contact depuis 2011, malgré nombres de divergences, me dit que le paracétamol est un bien rare, que les gens n’ont aucune idée des ravages que le virus peut infliger. La propagande du régime de Damas laisse entendre que la situation est sous-contrôle. C’est l’apanage des dictatures que de prétendre que tout est maîtrisé jusqu’au moment où rien ne peut masquer les preuves de la catastrophe.

En Algérie, le régime en profite pour démultiplier la répression. Le Hirak étant suspendu – décision ô combien mature et courageuse des Algériennes et des Algériens -, les dirigeants de l’ombre prennent leur revanche. Karim Tabbou ne sortira pas de prison, jugé par surprise en l’absence de ses avocats. Khaled Drareni, journaliste, modèle de professionnalisme, est désormais en prison. Tout ça alors que le pays est peu préparé à l’épidémie. Des méthodes de voyous.

En Algérie encore, un clown n’ayant aucune formation médicale prétend avoir trouvé le vaccin contre le virus. C’est la deuxième fois en quelques années que le pays est confronté à ce genre de charlot (le précédent jurait avoir trouvé un remède contre le diabète). Qu’un tel taré – qui se dit descendant du Prophète (!!!) – puisse passer sur les plateaux des télévisions privées (vecteurs de tant d’inconséquences et d’obscurantisme) me saisit.

Comment a-t-on pu en arriver là ? Et ce type est même reçu à l’Institut Pasteur d’Alger… Et le pire, c’est que des gens croient en lui, le défendant bec et ongles sur les réseaux sociaux… Voilà ce qui arrive quand on mine le système éducatif, quand on laisse des charlatans dispenser le savoir académique. Un jour, un « savant » algérien prétendra avoir la preuve que la terre est plate et des milliers de ses compatriotes réclameront le Nobel de physique pour lui…

Jour 11

Le Covid-19 amène avec lui des petits copains qui profitent de la situation. Des bactéries opportunistes. Résultat, il me faut des antibiotiques en renfort. La fièvre persiste. La fatigue dicte sa loi. Et le Nutella a un goût de pneu brûlé et je n’ose pas vous dire ce que sent l’Ovomaltine.

Parfois des odeurs fantômes m’assaillent. Comme celle de la tchakhtchoukha, par exemple. Ou du couscous ou d’un Osso bucco. On me dit qu’il faut absolument entretenir le souvenir des goûts et des arômes. Que c’est ainsi qu’on les reconstitue, qu’on les récupère. Je veux bien. Parce que le pneu brûlé, c’est un peu la fin du monde. Remarque, on y est peut-être…

Je suis attentif aux travaux d’une consœur qui compile les chiffres de décès dans les Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Ce qu’elle décrit dans ses posts déchire la poitrine. Chaque jour apporte son lot de colères et de peines. Je crains, qu’à la fin, les secondes ne submergent tout.

Je reçois aussi nombre de témoignages d’amies et amis soignants s’étant dévoués pour travailler dans des unités Covid. Tous les jours, elles et ils font face aux insuffisances en termes de matériel, comme par exemple le manque de surblouses ou de masques. On leur demande d’emmener le tout et de le laver à la maison. Je crains le pire… Et dire que ces héros ont été gazés et tabassés par les forces de l’ordre parce qu’ils réclamaient plus de moyens pour pouvoir accomplir sérieusement leur travail.

Ce sont ces gens dévoués, n’en déplaise à Calvi le kavi, à qui le gouvernement a intimé l’ordre de s’effacer devant des « bed manager », autrement dit des gestionnaires de lit d’hôpital, ce lieu essentiel étant ainsi transformé en vulgaire ressource marchande. Maudits soient les concepteurs de ces théories farfelues. Maudits soient les politiques qui les mettent en application. Le sous-développement au Sud de la Méditerranée, je connais. J’y suis habitué. Je suis né dedans. Mais la France ?

Sixième puissance économique mondiale, dotée de l’arme atomique, membre du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Voilà où ce pays en est arrivé : le sous-développement… Merci l’austérité budgétaire imposée par l’euro, merci les cadeaux fiscaux, merci la révision générale des politiques publiques (RGPP). Prenons ici un pari : pour l’heure, les néolibéraux font profil bas. Mais dans quelques semaines, on les entendra de nouveau expliquer que c’est parce que les réformes ne sont pas allées suffisamment loin. Il appartiendra alors à chacun d’agir ou de continuer à subir.

Jour 12

C’était à la sortie du collège sur les hauteurs d’Alger. J’étais en cinquième. Dès midi, la rumeur avait couru que deux élèves de Troisième allaient se battre. Impossible de rater ça. D’un côté, F., voyou, copieur, malhonnête et pilleur de cartables. De l’autre, O. Élève discret, plutôt solitaire. La raison du litige ? Le vol d’une calculatrice finalement rendue mais endommagée.

La bagarre commence. Très vite, O. a le dessus. Crochets, esquives. F. est à terre. O. hésite puis s’éloigne sous les hourras. F. se lève, ramasse de gros cailloux (des blocks, disions-nous alors). L’un d’eux atteint O. à l’arrière du crâne. Le sang coule. O. ne se démonte pas. Il fonce sur F. Balayage, l’autre est sol, supplie que cela s’arrête. Victoire totale d’O. Quelques jours plus tard, dans la cohue de l’ouverture du portail, O. ressent une douleur à la nuque. F. vient de le larder d’un coup de compas. Alors, sous nos yeux effarés, O. que nul bras modérateur ne peut retenir, se jette sur le surineur, lui casse d’une clé un bras puis, d’une autre, le second. Une leçon. Voilà la seule manière de traiter le Covid-19.

Je commence à aller mieux mais la bagarre continue. Ce virus est une saloperie qui ne fait aucun cadeau. Il impose un combat de rue où le danger vient de partout, à n’importe quel moment. Si je m’en débarrasse, je promets de ne plus manger de carpaccio de pangolin ni de soupe de chauve-souris. Et j’essaierai même de ne plus dire du mal du quinoa.

Plus sérieusement : soyez prudents. Restez chez vous. Et si vous devez sortir, soyez masqués, gantés, n’écoutez pas celles et ceux qui affirment que les masques ne servent à rien. Ces gens sont des menteurs. Des criminels. Enfin, ayez en tête une chose que l’on ne répète pas assez : le plus tard vous contracterez ce virus, et le mieux ce sera pour vous car plus les jours passent et plus la médecine avance.

Conseils pratiques (qui ne dispensent absolument pas de consulter, une ou plusieurs fois, un médecin) :

En attendant que soit trouvé un traitement consensuel, et surtout définitif, contre le Covid-19 :

- Pour s’aider et lutter contre la fièvre, du Paracétamol (maximum 3 grammes par jour). Pour doper son système immunitaire : vitamine C fractionnée, jusqu’à 4 grammes par jour, vitamine D3 et zinc.

- A cela, on peut ajouter des infusions au thym et/ou à l’origan.

- Boire, boire, et boire encore. Du chaud, de préférence.

- Faire des inhalations d’eau bouillante (aucun intérêt si l’eau n’est pas à forte température). L’eau seule suffit, si vous avez des feuilles d’eucalyptus, c’est un plus. Par contre, éviter les huiles essentielles dont on ne connaît pas l’effet sur les poumons.

- Pas d’Ibuprofène ni d’aspirine.

- Lavage de mains systématique, plusieurs fois dans la journée.

- Manger et dormir. Point.

- Pas d’alcool.

- Pas de tabac.

- Pas de zetla ni de cachiyattes.

- Essayer de voir un docteur (en y allant avec un masque) vers le dixième jour pour vérifier qu’il n’y a pas eu d’infection opportuniste dans les poumons (ou ailleurs).

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