Dimanche 15 septembre, nous devrions tous aller voter…

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Présidentielles : ni Chahed ni Zbidi, même pas Abbou. Malgré tout, presqu’en épitaphe, Hamma for ever !

Dimanche 15 septembre, nous devrions tous aller voter, nous recommande-t-on dans un affolement général. Je n’en suis pas vraiment sûre car pour moi, tout devrait se jouer en vérité aux élections législatives, l’ARP étant le lieu du pouvoir populaire légitime dans notre contexte de régime parlementaire fût-il aménagé.

Il importera donc malgré la fragmentation annoncée, de faire en sorte qu’une majorité solide puisse se former dans un jeu délicat d’alliances. Sans doute, sommes-nous attachés à la figure du Père de la nation mais pour ma part, mieux vaut un bon gouvernement appuyé sur une solide majorité parlementaire contrée par une forte opposition comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, qu’un président de la république faible, fantaisiste ou illuminé, détenteur des pleins pouvoirs, en l’absence d’institutions bien installées, comme dans le régime présidentiel américain.

En attendant, il faut voter et je ne le ferai personnellement ni pour Chahed ni pour Zbidi, je ne parle même pas des candidats qui ne sont pas dans mon horizon de valeurs. De ce dernier point de vue, des sondages inquiétants devraient m’encourager à opter pour Youssef Chahed.

J’ai trop été déçue par sa gouvernance globalement négative et trop favorable aux intérêts particuliers et aux lobbies pour me ranger aujourd’hui à une appréciation positive, sur la foi d’une amélioration économique et de quelques nouvelles dispositions sociales. Car comme un coureur cycliste à l’approche de la ligne d’arrivée, Chahed a donné un bon coup de pédale.

Mais il montre trop de légèreté dans son rapport à la justice et assez peu d’énergie dans la lutte contre la corruption pour qu’entendant sa casuistique autour d’un lourd héritage grevant ses efforts et pour que compatissant à sa victimisation du fait des blocages que ses adversaires lui poseraient, j’accepte de lui faire confiance. Non, c’est trop tard.

La crainte d’un douloureux second tour ne m’amène pas pour autant à choisir dans un vote « utile » Abdelkarim Zbidi.

Précédemment, j’ai essayé d’étayer ce refus. Autant qu’il m’en souvienne, je ne lui connais d’existence politique forte ni sous Ben Ali ni sous les deux dernières présidences. Il se trouve aujourd’hui on semble lui en fabriquait une : je l’entends transgresser un devoir de réserve et des obligations constitutionnelles, dans des déclarations surprenantes ou des révélations inquiétantes.

Que n’a-t-il pas rompu en son temps un silence qui pourrait s’apparenter à une connivence passive car « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Néanmoins, on ne lui connait aucune casserole accrochée à ses basques et nul ne peut préjuger qu’il puisse se révéler entrant parfaitement dans le costume d’un chef de l’Etat non pas menaçant et clivant mais rassurant et rassembleur. C’est possible et c’est même souhaité, encore qu’un psychanalyste m’ait affirmé que la cinquantaine dépassée, un homme ne se refait pas !

Des rappels à l’ordre et au souvenir d’amis ou de lecteurs ont vite étouffé ma tentation de voter pour Mohamed Abbou. J’avais déjà une retenue et le réquisitoire du militant démocratique, défenseur des droits Cherif Ferjani, m’a rafraichi la mémoire. J’adoucirai en revanche sa dénonciation en soutenant que Mohamed Abbou s’est beaucoup amélioré, que son credo est le respect de la loi dans le cadre de la consolidation de l’état de droit de même que la lutte contre la corruption est pour lui, la mère des batailles. C’est déjà énorme.

Par contre la pétition de Hichem Abd Samad et de Héla Youssfi célèbre à tort un projet d’Etat social dans le programme de Abbou qui n’a à vrai dire aucune pensée économique en dehors d’un libéralisme dans l’air du temps. En effet, je ne l’ai jamais entendu soutenir avec vigueur la protestation sociale. Tout récemment à propos des prisonniers terroristes, il a évoqué la nécessité de leur traitement psychiatrique. Pour commettre leurs crimes abominables, il faut bien qu’ils soient psychologiquement dérangés.

Mais je crains qu’on ne s’achemine par cette voie, vers une tendance à les déresponsabiliser de leurs actes. Ceci ne me plaît pas du tout. Mohamed Abbou a devant lui cinq nouvelles années pour confirmer son évolution positive vers une vision parfaitement démocratique.

Il ne me reste plus dans mon éventail de candidats acceptables selon mes critères, que Hamma Hammami. Je sais qu’on va encore me ridiculiser au prétexte que Hamma serait un looser. En effet, c’est un vote parfaitement inutile que je ferai. J’ai longtemps, sur des décennies et même au temps de sa gloire, critiqué Hamma Hammami. Ces dernières années surtout, j’ai bien conscience et je l’ai souvent écrit, que Hamma s’est muré dans une posture de gourou hiératique tombant de lui-même du piédestal où il s’était juché, alourdi par sa cuirasse entêtée que des camarades trop pressés et souvent médiocres, ont défoncée.

J’ai trouvé lamentable au début de l’été, la tragique autodestruction du Front populaire. J’ai jugé minable la manière dont quelques-uns escroquaient le label politique Jebha Chaabiya mais j’ai trouvé aussi très peu digne de la part de Hamma, lundi soir au cours du débat télévisé, la précipitation du candidat indépendant Hamma, à récupérer ce label.

Néanmoins et bien que des amis du centre démocratique progressiste dénoncent aujourd’hui sa pensée « sclérosée » et son « discours-tract », je me retrouve personnellement toujours en accord avec lui sur les grandes lignes d’une revendication sociale et démocratique. C’est que sans doute je demeure une gauchiste attardée !

Pourtant Hamma s’est quelque peu amorti, embourgeoisé et je n’apprécie pas toujours ses fréquentations politiques, ses protections, ses acoquinements. Mais en votant pour lui, je fais surtout un vote pour la mémoire et pour l’histoire : j’irai à l’urne avec à l’esprit, le souvenir du beau jeune homme transféré au début des années 90 de la prison civile de Tunis au service de néphrologie de l’hôpital Charles Nicolle où, alertée par un infirmier en chef de l’hôpital et malgré la présence dans la chambre d’un policier l’arme à l’épaule, j’allais déposer sur son tee-shirt blanc, trois œillets rouges. Hamma me sembla alors comme un double de l’héroïque capitaine de la révolution portugaise dite des œillets.

J’ajoute que ce bulletin, je le déposerai aussi, en faveur de son épouse Radhia Nasraoui qu’un jour, sur alternatives-citoyennes mon journal en ligne, je qualifiais de Madonne rouge pour son combat sans failles contre la torture, quelle que fut l’obédience des victimes, ce qui lui valait le respect de ses adversaires.

Ainsi donc pour moi et malgré tout, peut-être la mort dans l’âme, comme en épitaphe pour cette gauche finie, je voterai Hamma for ever.

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