L’enterrement discret de l’INF

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Entre décembre 1987 et juillet 1991, l’URSS et les États-Unis ont signé des accords de désarmement sans précédent qui ont radicalement changé la situation internationale. En décembre 1987, Gorbatchev et Reagan ont signé à Washington l’accord INF sur les forces nucléaires intermédiaires d’une portée comprise entre 500 et 5 500 kilomètres. Cet accord prévoyait l’élimination des euromissiles : 826 à moyenne portée et 926 à courte portée pour l’URSS, et 689 et 170, respectivement, pour les États-Unis.

Bien qu’il ne représente que 5 % des arsenaux nucléaires communs, l’accord a épargné un cauchemar aux Européens et a été le point de départ d’autre chose. Fini l’impressionnant « mouvement pacifiste » qui, notamment en Allemagne, a mobilisé les sociétés européennes avec une vigueur et une énergie inhabituelles. Suivant le bon sens, Bush et Gorbatchev ont signé en juillet 1991 à Moscou le premier accord START pour une réduction de 40% de leurs arsenaux stratégiques respectifs, c’est-à-dire de longue portée.

En outre, en novembre 1990, l’accord sur la réduction des Forces Conventionnelles en Europe (CFE) avait été signé à Paris et l’URSS avait immédiatement commencé à retirer ses troupes de la Hongrie, de la Tchécoslovaquie, de la République Démocratique d’Allemagne et de la Mongolie.

L’importance de tout cela n’a pas besoin d’être soulignée : le climat a été modifié dans une Europe ravagée par deux guerres mondiales au XXe siècle et les relations de Moscou avec les États-Unis d’Amérique et la Chine ont été démilitarisées et normalisées.

Tout cela part en fumée à l’initiative des USA, sous la coupe d’un criminel dément comme John Bolton. Le 1er février 2019, Washington a annoncé l’abandon de l’accord INF. Le prétexte est que la Russie a violé ce traité. Argument que notre presse a largement diffusé.

La simple réalité est que les États-Unis d’Amérique ont violé l’INF dès le moment précis où, il y a des années, ils ont déployé le fameux « bouclier antimissiles » près des frontières de la Russie. Malgré les protestations répétées de Moscou, toujours ignorées, la Russie a pris des mesures de riposte qui sont maintenant celles mentionnées pour justifier l’abandon de l’accord par les États-Unis.

La procédure de dénonciation de l’accord était programmée sur six mois et arrive à terme dans trois semaines, le 1er août. C’est une très mauvaise nouvelle pour les Européens, car nous aurons à nouveau des euromissiles nucléaires. Les politiciens européens ont immédiatement réagi à ce problème.

En juillet 2018, la Chancelière Angela Merkel avait déclaré lors d’une réunion de chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN que l’INF était un « accord décisif pour la sécurité euro-atlantique ». Sept mois plus tard, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, la même Chancelière a jugé que « l’abandon de l’accord était inévitable ».

Le vilipendé Poutine a proposé, déjà en février, de consacrer les six mois de sortie prévu par l’accord à sa renégociation conjointement avec les États-Unis et la Chine. Le Secrétaire Général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a annoncé qu’il ferait tout son possible pour « sauver l’INF ». En réalité, personne n’a rien fait.

Tout cela est dramatique, d’autant plus si l’on considère ce que le commentateur allemand Leo Ensel définit comme « un front populaire désastreux d’ignorance, d’indolence et de facilité ». La passivité sociale face à cette dangereuse catastrophe, qui sera probablement suivie par la dénonciation de l’accord START à son expiration en 2021, est sans précédent.

Au début des années 1980, toute l’Allemagne a été révolutionnée par les Euromissiles. Même en Allemagne de l’Est, il y avait un « mouvement pacifiste » qui protestait contre le déploiement des SS-20 soviétiques et pas seulement contre les Pershing US. L’Église Évangélique, dans les deux Allemagnes, a participé à la campagne pour le désarmement. Les Verts, qui étaient alors un parti de gauche qui venait d’arriver dans les institutions et qui n’avait rien à voir avec l’actuel parti belliciste de la bourgeoisie néolibérale, avaient une position de leader.

En Angleterre, la Campagne pour le Désarmement Nucléaire (CDN) était en cours, le mouvement était alors dirigé par l’historien E.P. Thompson et avait été fondé par Bertrand Russell dans les années 50… Où sont les équivalents actuels, ces intellectuels, ces initiatives civiles ? Peut-être regarder des séries idiotes à la carte à la télévision. Et les jeunes, plongés dans leur téléphone portable ? Même l’incroyable initiative Fridays for Future n’a pas réussi à établir un lien entre ce danger nucléaire spécifique et la protestation contre le changement climatique. En trois semaines, il y a une involution énorme et personne ici ne le sait.

P.S. ; Plus sur Assange :

Vous vous souvenez de la juge Emma Arbuthnot ? C’est elle qui a déclaré Julian Assange extradable aux États-Unis après une audience de 15 minutes au cours de laquelle elle a qualifié le dissident occidental emprisonné numéro 1 de « narcissique incapable de voir au-delà de ses propres intérêts » . Eh bien, la presse britannique a mis au jour un petit problème qui illustre l’atmosphère qui règne autour de ce magistrat.

Son mari, Lord Arbuthnot, est un réactionnaire réputé qui a été ministre de la Défense, un atlantiste convaincu, avec d’excellentes relations au Pentagone, qui est chargé de la persécution d’Assange, et, bien sûr, ancien président du « Groupe d’Amitié Royaume-Uni-Israël » dans le parlement de son pays.

Lord Arbuthnot était un enthousiaste convaincu de Tony Blair dans la vente des mensonges de la guerre en Irak et est connu pour avoir pris une position retentissante contre Edward Snowden, le dissident occidental numéro un en exil et l’homme qui a prouvé l’existence du Big Brother et son incarnation dans la NSA.

Eh bien, il se trouve que ce monsieur est un partenaire d’une société de renseignement économique dont un des clients était le néo-explorateur américain Uber. Il s’avère que le maire de Londres, Sadiq Khan, a réussi à chasser Uber de sa ville, mais la société a fait appel et a gagné le procès, de sorte que son activité redevient légale à Londres, grâce à un jugement… du juge Emma Arbuthnot.

L’indépendance de cette juge, experte dans le diagnostic des « narcissiques » en quinze minutes, a ainsi été remise en cause par l’activité de son mari en faveur d’Uber, mais qu’en est-il d’Assange ?

Les contacts et les servitudes de son mari ont-ils quelque chose à voir avec son feu vert à l’extradition ? Après tout, les ministres britanniques de la défense sont, par définition, en avance sur les vassaux du Pentagone. La question est rhétorique et la réalité, comme c’est souvent le cas, l’emporte sûrement de loin sur tous nos soupçons naïfs, même si nous le découvrons trente ans plus tard.

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