Comment je devins con... (20ème épisode)

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Sur toute la longueur de la rue qui restait, il n’y avait qu’eux et moi. Personne pour les distraire et me procurer une chance. Je continuai cependant à foncer et eux-mêmes réglèrent leur course sur la mienne. Ce fut l’erreur tactique qu’ils commirent. Ils auraient pu m’avoir s’ils étaient à l’arrêt.

Mais en mouvement, ils n’avaient ni ma célérité ni ma technique de footballeur. Le brusque changement de direction en pleine course nécessite une certaine adresse et il est plus aisé lorsqu’on a un centre de gravité plus bas, apanage de la petite taille. Arrivé à leur niveau, je fis une double feinte qui envoya l’un vers la droite, l’autre vers la gauche, m’ouvrant une brèche de plusieurs mètres dans laquelle je m’engouffrai en trombe. J’étais sauvé !

J’arrêtai mon élan à une distance respectable, certain qu’ils ne pouvaient plus me poursuivre. Je jetai alors un coup d’œil à leur direction et je fus sidéré de les voir me regarder de loin en se tordant de rire. Ils s’amusaient comme des fous de la manière avec laquelle j’ai pu leur échapper !

L’après-midi, je n’avais pas classe et je décidai de rester à la maison, ayant eu ma dose d’émotions fortes. Ma mère, au courant du grabuge qu’il y avait au lycée mais loin de se douter de tout, me chargea d’y aller pour ramener mon frère cadet au cas où l’agitation n’aurait pas cessé. Ce que je fis sans me douter que je n’aurais plus l’occasion de lui reparler avant une semaine.

Le lycée était relativement calme. Il y avait même un semblant de cours dans quelques salles mais peu d’élèves étaient présents et la plupart se trouvaient dans une grande salle de permanence où deux surveillants tentaient avec beaucoup de mal de calmer quelques centaines d’élèves surexcités qui chantaient et faisaient la fête. L’ambiance me plut et je restai avec eux.

De temps en temps, des élèves arrivaient et nous rendaient compte de la situation à l’extérieur. Ce fut alors que je commis la plus grossière erreur de ma vie. L’un de mes camarades de classe vint m’informer qu’il y avait de l’agitation dans les ruelles situées derrière le lycée, celles-là mêmes qu’on avait décidé d’emprunter pour fuir au cas où le lycée serait envahi par la police. J’aurais dû vider les lieux en ce moment-là. Mais je n’avais pas le cœur à abandonner l’ambiance. Je restai.

La salle de permanence où on se trouvait était située au sous-sol. De cet endroit, il nous était impossible d’entendre ce qui se passait en surface. Lorsque notre fête improvisée finit et que je remontai, tous les élèves qui se trouvaient au lycée étaient massés dans la première cour, en rang comme pour aller en classe. Face à chaque groupe, un surveillant tenant le registre de la classe faisait l’appel et celui qui entendait son nom pouvait se diriger vers la sortie.

Si je me mettais avec eux, on allait découvrir que je ne devais pas me trouver au lycée puisque je n’avais pas classe. Nous étions quelques-uns dans cette situation délicate. On allait nous poser des questions et il leur serait facile de nous accuser d’être à l’origine des troubles. Nous tînmes conseil rapidement et il fut décidé de fuir par les toits.

Nous montâmes donc à l’étage supérieur et commençâmes une course périlleuse sur les toits. Ce fut ainsi que nous nous retrouvâmes dans une petite terrasse intérieure attenante au logement de fonction du directeur. Sa femme était notre professeur d’histoire cette année-là. Nous hésitâmes en réalité longuement avant de décider qu’il valait mieux l’informer de notre présence. C’était un risque à courir mais il nous sembla que cela valait mieux que d’être découvert et passer pour des voleurs ou pour des saboteurs.

Pendant notre conciliabule, à partir de la terrasse où on se trouvait, je pouvais voir les fenêtres du bureau du secrétaire du directeur. Un quinquagénaire sec et sournois. Je vis alors qu’il avait remarqué notre présence. Je le dis à mes camarades et ils furent certains qu’il fallait sans tarder nous montrer à notre prof pour nous mettre sous sa protection.

On frappa à la porte et elle ouvrit, surprise mais nullement effrayée de nous trouver à cet endroit. On lui expliqua la situation et elle nous rassura qu’on était en sécurité avec elle. Comme elle nous connaissait tous, elle nous proposa même d’entrer à la maison mais nous déclinâmes poliment son offre lui répondant qu’on était bien là où on se trouvait.

Nous étions tranquilles pour la suite des événements. Avions-nous raison de lui faire confiance ? Dieu seul le sait.

Nous étions là-bas depuis à peine dix minutes lorsque la porte s’ouvrit sur cinq balaises à l’air inquiétant qui nous saisirent chacun par le col et nous entrainèrent vers la cour du lycée que nous venions de fuir.

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