« Daech »… enfant d’une modernité ménopausée

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• Les lectures simplistes du phénomène « Daech » se plaisent dans les explications réconfortantes, façon images d’Epinal, où la dichotomie du Bien et du Mal, du Beau et du Laid, du Gentil et du Méchant sert davantage à « rassurer » et à « réconforter » l’opinion publique, la « conscience » collective dans sa douce somnolence. Des explications colportées par des médias, des politiques et une « élite » chez qui sévissent outrageusement la mauvaise foi, la servilité, l’incompétence, la paresse d’esprit, l’ignorance, la cupidité, le manque d’imagination et l’esprit partisan.

• Parmi les idées les plus répandues, expliquant le phénomène « Daech », celle qui le renvoie à cet « éternel retour » du « millénarisme islamique » ; cette velléité récurrente de revenir à un « âge d’or », une sorte de « paradis perdu » représenté par la genèse de l’Etat islamique de Médine. On sort d’ailleurs régulièrement cet adage comme une clé passe-partout pour comprendre indistinctement tous les mouvements se réclamant de « l’Islam politique ».

• En découle une autre idée, non moins répandue, notamment chez les occidentaux (Manuel Valls, Premier Ministre français, l’a exprimé tout récemment) ; celle qui inscrit le phénomène dans ce qu’ils appellent, le plus solennellement du monde, le « choc des civilisations ».

• Une autre idée très en vogue, chez nous surtout, est celle qui prétend que « Daech » est un pur produit de services secrets et d’Etats qui complotent contre notre stabilité, notre sécurité, notre développement, notre indépendance, notre démocratie naissante, nos acquis modernistes, notre mode de vie, etc.. « Daech » est alors perçu comme le bras armé du Mossad, de la CIA, du Qatar, des Emirats Arabes Unies, de la Turquie… Bref, le phénomène relève de la géostratégie.

• De cette idée découle une autre, très amusante ; celle qui voit que la « barbarie » vient toujours d’ailleurs. Il s’agit d’un phénomène exogène, qui ne nous ressemble en rien. On découvre alors que nous autres Tunisiens par exemple, sommes en possession d’un éternel Islam tolérant, ouvert, sunnite, malékite, acharite. On découvre aussi – à postériori et après quoi - que nos traditions sont somme toute belles et acceptables. Il faut juste se les réapproprier pour les opposer aux « barbares » surgis subitement d’un quelconque désert lointain. Pis encore, ce fléau ne vise pas seulement notre paisible Tunisie ; il cherche à mettre fin à des régimes arabes progressistes, anti sionistes et anti impérialistes : hier c’était la Lybie, aujourd’hui c’est la Syrie, demain ce serait l’Algérie.

• Pour d’autres, un peu plus profonds et perspicaces, « Daech » est synonymes d’échecs et de disfonctionnements de tous genres : échec du système scolaire hérité de la période Ben Ali (pour rester dans un cadre strictement national), perte des repères religieux et identitaires par une jeunesse que l’institution religieuse officielle est incapable d’encadrer, dislocation des liens sociaux à commencer par celui la famille, désœuvrement économique, social et culturel de larges pans de cette jeunesse.

• Bref, nous avons là une myriade d’explications, parfois solides, sérieuses et pertinentes ; mais certainement incomplètes, insuffisantes et superficielles. Elles ne sont pas en mesure d’interpréter le phénomène en vue de le solutionner. Il fallait à la fois de la distance et surtout de la hauteur, d’un coté, de l’œil microscopique, de l’autre, pour mieux voir et cerner « Daech ».

• Daech : c’est à l’aune de la modernité, j’allais dire de la postmodernité qu’il faut aborder Daech et non point par l’angle de la tradition. Il s’agit bel et bien d’un fruit amer… un monstre enfanté par une fécondation in vitro d’une modernité ménopausée voire agonisante. Daech est l’un des multiples résultats de la marchandisation tous azimuts de la vie des hommes. C’est aussi le résultat d’une barbarie capitaliste, planétaire, déchainée et galopante, où se sont effacées les frontières entre le réel et le virtuel… où les avancées technologiques et les rapports marchands, exercent désormais un pouvoir structurant, quasi exclusif, sur l’Homme et sur son devenir et non l’inverse. L’aliénation, la normalisation et l’uniformisation des structures mentales atteignent aujourd’hui leur paroxysme ; en cela « Daech » est l’expression la plus aboutie de cette achèvement.

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