"Cosmos", Michel Onfray

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Comme le Grand Louis, Gaston Onfray était un paysan. Son fils, Michel, introduit son Cosmos avec l’anecdote pleine d’émotion de sa mort soudaine à ses côtés un soir de décembre. Il nous dit toute la tendresse et l’admiration d’un fils pour les leçons d’humanité prodiguées avec une grande économie de mots mais avec l’authenticité de l’exemple.

Captivé, le lecteur se laisse alors entraîner dans un maelstrom de concepts et d’idées à donner le tournis. Mais la conviction et la culture de l’auteur sont telles qu’elles emportent les hésitations. Et à mesure que défilent les pages, il m’apparaît de plus en plus évident que seul Jean-Sébastien Bach peut m’accompagner dans ma lecture. J’achève la présentation des deux prochains volumes en compagnie de Karl Richter à la direction de l’Orchestre Bach de Munich dans la Passion selon St Mathieu.

À l’image du compositeur embrassant à la fois Dieu dans sa magnificence et la nature humaine dans ce qu’elle a de plus misérable, Michel Onfray convoque la philosophie grecque et latine, l’archéologie, l’ethnologie, la paléontologie, l’homme des cavernes et celui de Cro-Magnon sans oublier la paysannerie normande et le goût du camembert bien fait. (Ne manquent que Pierre Rabhi, l’agriculture raisonnablement bio et Gonzague Saint Bris.) Avec leur aide éclairée, il nous rappelle combien l’homme est inscrit dans la nature de toutes les fibres de son corps et de toutes les sinuosités de sa pensée. Il devrait en découler, selon lui, une sagesse sans morale, débarrassée des oripeaux culturels et religieux qui nous en détournent et directement reliée à la terre telle qu’il l’a vécue avec son père. Comme Jean-Sébastien Bach, il nous fait toucher le sublime de notre condition humaine en arpentant le ciel, les étoiles et l’univers, même si nous n’en représentons qu’une infime molécule à l’échelle du cosmos. Il nous fait d’autant plus mesurer combien notre société moderne s’est écartée de ses origines, ne les comprend plus et les respecte encore moins. Avec les risques écologiques que nous commençons seulement à percevoir et à évaluer.

Il est hélas bien à craindre que ses appels ne seront guère entendus. Les sociétés paysannes d’hier sont mortes. N’en demeure plus que la nostalgie du jardin d’Éden. Par le fait même de sa prolifération, l’homme s’agglutine dans des villes de plus en plus tentaculaires et de plus en plus éloignées de ces époques où il vivait au rythme du soleil, de la lune et des saisons. Il est bien difficile d’imaginer quelque retour en arrière. Mais pourquoi, contrairement à Jean-Sébastien Bach, Michel Onfray s’acharne-t-il avec tant de virulence contre les religions monothéistes qu’il désigne comme les véritables responsables de la désunion entre l’individu et sa matrice ?

Rien ne pourra effacer les deux derniers millénaires de notre Histoire. Ils sont désormais intimement intégrés à nos gènes. Ils sont l’indéfectible patrimoine culturel de notre civilisation occidentale. Pourquoi dépenser tant d’énergie pour, bien souvent, dénoncer des évidences aujourd’hui largement acceptées ? Mais peut-être les prochains tomes nous diront-ils comment s’en libérer. Alors que je glisse l’ouvrage sur les rayonnages de ma bibliothèque, je songe aux diverses critiques qui en ont été pratiquées dans les médias. Rares furent les présentateurs ou les chroniqueurs qui résistèrent à la tentation "médiatique" de recourir à l’émotion immédiate en citant l’anecdote de la mort du père de l’auteur. Mais tout aussi rares furent ceux qui évoquèrent les sujets ardus et ambitieux qui la suivent.

Comme s’ils n’avaient pas lu le livre ! Certes la faconde de Michel Onfray est parfois encombrante. Certes son goût de l’excessif est pesant. Certes sa manie de tirer à la ligne pour remplir jusqu’à ras bord le moindre des paragraphes est parfois exaspérante. Certes son penchant pour la redondance peut se révéler à la longue épuisant.

Mais peut-être, comme l’artisan menuisier, ne cherche-t-il après tout qu’à bien enfoncer le clou dans l’esprit du lecteur. Quoi qu’il en soit, celui-ci aurait tort de le bouder. Car il nous livre ici bien des choses à penser. Et non seulement sur le passé mais aussi et surtout sur les chemins si imprévisibles du futur.

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