Le Moyen-Orient, l’hégémonie et la peur des États-Unis.

Nouvelles perspectives

Les peuples du Moyen-Orient surveillent de près pour voir si Washington a vraiment l’intention de réduire son implication dans la région ou si, comme pour les quatre administrations précédentes, le gouvernement du président américain Donald Trump finira lui aussi piégé dans les sables mouvants du Moyen-Orient. Au-delà des slogans retentissants qui ont accompagné diverses présidences américaines, les problèmes dans la région se sont progressivement aggravés, devenant de plus en plus complexes, parallèlement à l’augmentation de l’ingérence américaine.

Aujourd’hui, l’administration américaine invoque le principe de « l’Amérique d’abord », proclamant son rejet de l’interventionnisme, de la reconstruction de l’État et des guerres sans fin. Cependant, elle n’a pas renoncé à son ambition de façonner l’ordre mondial, comme le démontre la publication de la Stratégie de sécurité nationale, qui propose une redéfinition stratégique du Moyen-Orient dans le but d’empêcher l’ascension de toute puissance dominante dans la région. Il reste à voir si cette nouvelle tentative sera un succès, si des États influents accepteront la formule américaine, et si les populations locales toléreront une gestion de crise régionale qui ne sert que les intérêts de Washington. De nombreuses questions restent sans réponse, et seul le temps dira l’issue du pari de Trump, qui semble être une nouvelle expérience américaine au Moyen-Orient.

Le document de la Maison-Blanche confirme que le Moyen-Orient n’est plus l’élément central des priorités stratégiques américaines. L’attention de Washington se tourne désormais vers l’hémisphère occidental et l’Indo-Pacifique, identifiés comme les principaux théâtres de la compétition géopolitique et économique mondiale.

Selon de nombreux analystes, cette décision marque une rupture significative avec des décennies de politique étrangère américaine, durant lesquelles le Moyen-Orient a occupé une position d’une importance absolue. Cette réorientation soulève des questions profondes sur les conséquences de ce changement et la possible fin de ce que l’on peut définir comme « l’ère du Moyen-Orient » de la stratégie américaine.

De plus, ce changement jette une ombre sur l’avenir des conflits régionaux, car un vide sécuritaire résultant du désengagement américain pourrait encourager une escalade supplémentaire, compromettre les perspectives de paix et augmenter le risque de nouvelles guerres.

Selon plusieurs experts régionaux, la stratégie affirme clairement que l’hémisphère occidental et l’Indo-Pacifique sont désormais les principales zones de compétition mondiale, tandis que le Moyen-Orient est relégué à une zone d'« engagement sélectif » fondé sur des intérêts mutuels et limités.

D’autres observateurs, cependant, soulignent qu’il ne s’agirait pas d’un retrait total, mais plutôt d’une forme de désengagement calibré. Les États-Unis resteraient présents chaque fois que leurs intérêts économiques ou de renseignement seraient menacés, mais éviteraient de mener des guerres au nom de tiers.

Selon cette interprétation, la réduction de la centralité du Moyen-Orient n’implique pas la fin des sanctions ou des opérations militaires contre des États jugés dangereux pour les intérêts américains. Au contraire, elle témoigne d’une volonté de ne plus sacrifier les ressources humaines et financières pour contenir des conflits régionaux qui n’affectent pas directement la sécurité nationale américaine.

Cette position est cohérente avec les déclarations de nombreux responsables de Washington, qui ont à plusieurs reprises souligné les énormes coûts encourus par l’Amérique en termes d’argent et de vies humaines, arguant que le moment est venu pour les alliés d’assumer une plus grande responsabilité, tandis que les États-Unis n’interviendront qu’en cas de menaces directes à leurs intérêts vitaux.

Quelque chose change

En un sens, il n’est pas incorrect de dire que la dégradation du Moyen-Orient dans la stratégie de sécurité de 2025 ne représente pas un simple réorganisation des priorités, mais équivaut à une véritable déclaration de la fin de l’ère du Moyen-Orient dans la politique américaine, remplacée par une concurrence avec la Chine et la Russie sur d’autres théâtres. Une telle approche créera inévitablement un vide sécuritaire qui ne manquera pas d’alimenter de nouvelles tensions.

En particulier, Israël devra décider de la nouvelle stratégie américaine, que certains ont déjà interprétée comme une autorisation de balayer la région palestinienne, étendant l’hégémonie du projet Grand Israël aux pays voisins. Israël continuera sans aucun doute à bénéficier du soutien logistique et de renseignement américain, et personne ne limitera ses opérations, même s’il franchit certaines lignes rouges. Cela pourrait déclencher une nouvelle course aux armements dans la région, chaque pays s’engageant à renforcer ses capacités militaires d’autodéfense.

Il est également vrai que la nouvelle stratégie américaine donne la priorité à la défense du territoire national — frontières, espace aérien et sécurité intérieure — réduisant drastiquement les engagements mondiaux qui caractérisent la politique américaine depuis la Guerre froide.

Le Moyen-Orient, autrefois au centre de la stratégie américaine, est désormais relégué à une région secondaire, tandis que la concurrence avec la Chine dans le Pacifique assume le rôle de principal champ de bataille géopolitique du siècle. Washington abordera le Moyen-Orient principalement sur la base d’intérêts économiques mutuels, abandonnant les engagements militaires massifs du passé. Cette approche représente, selon Washington, l’application concrète du principe « America First », qui lie la sécurité nationale à la stabilité économique interne, la lutte contre l’immigration et le trafic de drogue, ainsi que la réduction des dépenses militaires au Moyen-Orient au profit de l’industrie américaine.

Nous pouvons résumer en disant que la Stratégie de sécurité nationale n’annonce pas un Moyen-Orient plus juste ou pacifique, mais plutôt un ordre régional plus rigide, impitoyable et en même temps plus transparent. Pour la première fois depuis des décennies, les États-Unis traitent le Moyen-Orient comme le suggère le réalisme politique : une région importante, mais pas vitale, dont la stabilité ne compte que dans la mesure où elle impacte les intérêts fondamentaux américains. Ce n’est pas simplement un document politique, mais le manifeste théorique d’une nouvelle approche qui rejette l’idée post-1991 des États-Unis comme garant indispensable de l’ordre libéral mondial. À sa place émerge un réalisme discipliné, qui évalue chaque engagement externe selon un critère unique : le bénéfice direct pour la sécurité, la prospérité et le mode de vie américains.

En conclusion, Washington pourrait réussir à empêcher la montée d’une puissance hégémonique au Moyen-Orient, mais imposer un ordre régional fondé exclusivement sur les intérêts et directives américains n’est ni acquis ni garanti.

L’idée que le Moyen-Orient ne représente plus une région stratégique centrale, réduite à un conflit limité entre Israël et les Palestiniens, semble trop optimiste. Nier l’importance énergétique de la région, la compétition entre grandes puissances et le risque de propagation de conflits n’est pas la même chose que de les éliminer.

Le déni ou l’espoir ne crée pas la réalité. Le Moyen-Orient continuera d’être crucial pour le système international, et la question palestinienne restera une présence constante et non résolue qui continuera de peser sur tous les acteurs impliqués. Et quelqu’un, tôt ou tard, tiendra les États-Unis responsables.

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