Comme chaque année, les prix Nobel sont décernés. Et comme chaque année, certains sont controversés. Mais il y a un prix Nobel qui n’est jamais remis: le Prix Nobel du Pus. Ce prix imaginaire serait décerné à ceux qui, avec une habileté remarquable, parviennent à dissimuler les plaies ouvertes du monde sous des couches de rhétorique, de propagande et de silence complice.
Ce prix irait à ceux qui justifient les invasions en parlant de liberté, qui soutiennent les dictatures en invoquant la stabilité, qui ferment les yeux sur les massacres parce que les victimes ne sont pas utiles à leurs intérêts. Il irait à ceux qui transforment les victimes en coupables et les bourreaux en héros.
Le Prix Nobel du Pus récompenserait les journalistes qui choisissent ce qu’ils montrent et ce qu’ils cachent, les intellectuels qui vendent leur plume au plus offrant, les politiciens qui parlent de paix tout en finançant la guerre. Il irait à ceux qui, dans leur confort, ignorent la douleur des autres, à ceux qui préfèrent ne pas savoir pour ne pas être dérangés.
Ce prix serait décerné dans une cérémonie discrète, sans caméras, sans discours, sans larmes. Car ceux qui le reçoivent savent qu’ils ne doivent pas attirer l’attention. Ils savent que leur travail est de maintenir l’ordre établi, de préserver les privilèges, de maquiller la réalité.
Mais il y a une bonne nouvelle: ce prix n’existe pas. Et tant qu’il n’existera pas, il y aura de l’espoir. L’espoir que la vérité finira par triompher, que les voix des opprimés seront entendues, que les plaies seront soignées et non cachées. L’espoir que nous cesserons de récompenser le pus et commencerons à honorer la dignité.