Comment faire de la reconnaissance de la Palestine plus qu’un simple symbolisme

La décision de la France, du Royaume-Uni, de l’Australie, du Portugal et de plusieurs autres pays de reconnaître la Palestine a été saluée par beaucoup comme un moment décisif – un renversement symbolique de décennies d’ambivalence – et fustigée par ses détracteurs pour être une fioriture théâtrale creuse sur fond de complicité dans le génocide à Gaza.

En effet, la complicité occidentale – par le biais des ventes d’armes, de la couverture diplomatique, du partage de renseignements et de l’échec à faire respecter le droit international – jette une ombre sur les revendications morales de la reconnaissance de l’État. Le symbolisme seul ne peut pas endiguer la vague de génocide.

Néanmoins, ce moment peut produire plus qu’un signal de vertu. Cette reconnaissance donne force à l’initiative franco-saoudienne aux Nations unies pour la création d’un État palestinien, adoptée par 142 États le 12 septembre

Cette initiative peut aider à changer la grammaire du conflit, passant d’une négociation sans fin à une mise en œuvre irréversible : une initiative fondée sur des mesures tangibles et limitées dans le temps vers la création d’un État.

Avec le bon suivi, elle peut mettre fin à l’erreur du processus d’Oslo – selon lequel la feuille de route ne se termine jamais et le résultat reste différé.

La Déclaration de New York appelle non seulement à la reconnaissance, mais aussi à des « mesures tangibles, limitées dans le temps et irréversibles » vers la mise en œuvre d’une solution à deux États. Elle appelle également à une mission internationale temporaire de stabilisation sous mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, et s’engage à soutenir un État palestinien basé sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, en attendant les échanges de terres convenus.

Il est crucial de le réaffirmer à un moment où Israël cherche explicitement à détruire toute perspective d’un État palestinien.

Mais cette réaffirmation est loin d’être suffisante ; le processus franco-saoudien a ses lacunes. Tout d’abord, et c’est le plus important, comme Oslo, il manque de mordant. Il n’y a pas de mécanisme crédible pour promulguer des sanctions ou des pénalités si Israël poursuit l’occupation ou viole les paramètres nouvellement convenus. Sans coût pour la non-conformité, les progrès ne sont plus qu’un mince espoir. Cette question doit être abordée dans le cadre du suivi.

Deuxièmement, la déclaration franco-saoudienne établit un lien crucial entre la création d’un État palestinien et la mise en place d’une nouvelle architecture de sécurité pour la région. Ce lien doit être renforcé.

Le Moyen-Orient n’a pas d’équivalent à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est ou à tout autre organisme de sécurité permanent et inclusif. En créant un tel organisme et une telle architecture, et en offrant à Israël une adhésion à part entière s’il accepte un État palestinien sur le modèle de 1967, Israël se verra offrir les incitations les plus fortes à ce jour pour changer de cap et éviter un paria permanent. Cela va au-delà de ce qui a été proposé à Israël dans le plan de paix arabe de 2002 (reconnaissance) ou les accords d’Abraham (normalisation) – cela offre à Israël une intégration sécuritaire complète. Mais seulement s’il met fin à l’occupation.

Cela servira également les intérêts américains bien mieux que la voie que Washington suit actuellement. Non seulement l’absence d’une architecture de sécurité a contribué à l’instabilité perpétuelle de la région, mais elle rend également difficile pour les États-Unis de s’engager dans le transfert du fardeau puisqu’il n’y a pas d’infrastructure indépendante vers laquelle transférer le fardeau de la sécurité. Plus important encore, cela aiderait les États-Unis à se libérer enfin de la perspective d’une guerre sans fin au Moyen-Orient.

Dans le cadre du Better Order Project du Quincy Institute, nous avons élaboré en détail des propositions dans ce sens. Vous pouvez en savoir plus ici et ici.

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