Nous nous enfonçons dans un abîme de mort. De plus en plus bas, de plus en plus bas. Aujourd'hui, les États-Unis sont à tous égards les complices d'Israël. Ils ont plongé la lame du couteau de leurs propres mains, sans intermédiaire. Non pas que le génocide à Gaza, la guerre et l'occupation au Liban, les massacres en Cisjordanie et l'annexion d'une partie du territoire syrien aient été menés à bien sans l'aide des États-Unis auparavant. Les États-Unis ont toujours soutenu Israël, mais jusqu'aux bombardements d'hier, ils avaient également maintenu une certaine marge critique, qui laissait ouverte une alternative au précipice de mort et de destruction dont ils sont aujourd'hui coauteurs avec le gouvernement israélien.
Une chose, cependant, doit être dite. Sur le plan stratégique, le bombardement d’hier et la destruction des trois sites nucléaires iraniens n’ont aucune valeur. Zéro. L’Iran, après tout, n’avait pas d’arme atomique et le fait qu’il ait été proche de sa réalisation est un fait sans preuve. Le bombardement avait principalement une signification symbolique. C’est le signal que Trump a voulu donner pour réaffirmer sa suprématie militaire dans le monde.
Cependant, la dialectique des conflits est perverse et cette démonstration de force montre exactement son contraire, à savoir la faiblesse inhérente à l'empire américain, son incapacité à agir par des moyens diplomatiques et sa servilité à l'égard d'Israël. La puissance américaine est vivante et forte en Europe, où Trump est capable d'obtenir ce qu'il veut par un simple coup de fil, où la presse se limite au mieux à des critiques officieuses et où les gouvernements tremblent à l'idée d'être abandonnés. La véritable force impériale est, après tout, précisément celle qui permet de commander sans avoir besoin de faire la guerre.
Sauf qu’en Europe, les États-Unis ont perdu cette capacité parce que la logique qui a garanti les équilibres internationaux n’est plus en mesure de garantir la prospérité économique, sociale et culturelle américaine. Les États-Unis ne savent plus qui ils sont, ils ne savent plus interpréter leur fonction dans le monde, ils n’ont plus un appareil qui est le résultat d’un mélange d’idéologie et de religion qui avait justifié sa primauté et son expansion économique. Alors qu’autrefois, le rêve américain, le mythe de la frontière, l’aspiration libérale aux droits civiques, le cinquième amendement, le droit à la propriété privée et au bonheur... Tous ces emblèmes se sont effondrés.
Si l'on y réfléchit bien, Trump lui-même l'admet dans son slogan : "make America great again", ce qui implique évidemment que les États-Unis ne sont plus grands. Et ils le sont, ils ne le sont plus. Leur propre richesse démesurée (d'ailleurs gonflée par la dette) flotte dans une mer nihiliste qui la rend insatisfaisante, dépourvue de sens et donc de valeur réelle. N'oublions pas non plus que la croissance américaine a connu une forte poussée ces dernières années, ce qui n'a toutefois en rien atténué la crise du symbolique que ce pays connaît également et qui se propage ici en Europe. Même le soi-disant réveil, qui a fait l'objet de tant de débats et que je mentionne parce que certains disent qu'il faut faire la guerre pour libérer les femmes iraniennes, n'est au fond rien d'autre qu'une tentative des classes libérales de donner une couverture morale à la fausse conscience d'un pays qui, tout en prétendant être du côté des droits, les piétine systématiquement par le biais de guerres, du colonialisme et de la soustraction de richesses aux pays plus pauvres. Les États-Unis ont perdu le sens de leur mission dans le monde.
Et maintenant, ils se tortillent sous l’impulsion de leur allié israélien.
Par pitié, les crimes américains ne se comptent pas. Et ceux d'Israël sont innombrables et parmi les plus odieux. Même l'obsession de la bombe atomique laisse à désirer puisqu'en termes de puissance destructrice, Israël a largué sur Gaza autant de bombes que les six engins nucléaires qui ont été utilisés à Hiroshima. Si pour les États-Unis, les guerres précédentes pouvaient encore être couvertes par le mythe américain, aujourd'hui, la complicité avec le génocide et le désir brutal de domination sur son voisin apparaissent au grand jour. Personne, à l'exception de quelques cinglés fanatiques qui lisent Riformista ou Foglio en Italie, ne pourrait jamais admettre que la soudure totale entre les États-Unis et Israël a une justification idéale. Ceux qui disent le contraire mentent en sachant qu'ils mentent. Ils le font par servilité, par lâcheté ou même simplement parce qu'ils ne font pas l'effort mental de penser à une alternative, à savoir un monde réellement multipolaire.