Le poker des monnaies est dans « l’impasse mexicaine » !

Bien que l’écho médiatique relatif à la mort du pape François soit très fort, la controverse venant d’Amérique entre le président Trump et le président de la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, ne s’apaise pas.

C’est le signe que la situation n’est pas du tout calme en ce qui concerne la stabilité du système monétaire et financier de l’autre côté de l’Atlantique.

Comme chacun sait, les déséquilibres des comptes nationaux qui perdurent trop longtemps placent les classes dirigeantes devant des choix douloureux : soit risquer l'implosion du système financier, soit risquer l'effondrement de la monnaie nationale. Car les politiques d'assouplissement monétaire (comme la baisse des taux ou dans le pire des cas le Quantitative Easing) nécessaires à la survie des institutions financières en cas de fuite des capitaux étrangers, risquent en revanche de condamner la monnaie nationale à une dépréciation progressive de sa valeur. Une situation à l'argentine, pour ne donner qu'un exemple frappant

Une situation qui, cependant, peut maintenant être également hypothétique pour les États-Unis et le dollar. Les comptes nationaux désormais hors de contrôle, à commencer par les passifs de la position financière nette de plus de 26 000 milliards de dollars, exposent le système financier américain au risque de fuite des capitaux avec le risque conséquent d’effondrement des banques et des institutions financières à la manière de ce qui s’est passé en 2008. Avec une différence substantielle, cependant : en 2008, le gouvernement américain avait une faible dette publique et pouvait (comme il l’a fait) renflouer tout le monde, des banques aux compagnies d’assurance en passant par les constructeurs automobiles. 17 ans plus tard, cette possibilité est pour l’essentiel exclue, étant donné que la dette publique américaine se dirige aujourd’hui vers 120 % du PIB. Par conséquent, pour éviter la fuite des capitaux, il ne reste plus qu’à choisir de maintenir des taux élevés. Et c’est la voie que semble avoir choisie l’actuel président de la Fed, Jerome Powell.

Cependant, ce choix n’est pas le bienvenu pour Trump qui, afin de relancer l’économie réelle, souhaiterait des taux plus bas afin de rouvrir les robinets de crédit nécessaires à cet effet. De toute évidence, Trump et ses hommes ne croient pas qu’un effondrement de Wall Street (et des banques) dû à une crise provoquée par la fuite des capitaux étrangers soit possible. De toute évidence, Jerome Powell voit les choses de la manière opposée.

Et c’est de là que vient la très violente polémique entre la Maison-Blanche et la Réserve fédérale, où le magnat new-yorkais ne manque pas une occasion d’insulter Powell avec des épithètes telles que « grand perdant », un grand perdant, ce qui, dans une société hyper-compétitive, comme les étoiles et les rayures peut être considéré comme une insulte sanglante.

Ce qu’il faut comprendre, cependant, c’est que les insultes de Trump à l’égard de la FED ne peuvent pas être rejetées comme une controverse politique stérile typique du monde entier, mais comme un fait politique de première importance qui brise un dogme des démocraties libérales occidentales : l’indépendance absolue vis-à-vis du pouvoir politique des banques centrales.

Nous sommes donc confrontés à un fait d’une importance politique fondamentale, comme l’imposition de droits de douane mis en œuvre par l’administration Trump contre le reste du monde. Deux dogmes fondamentaux de l’ordre démocratique libéral sont ainsi fortement remis en cause par l’administration Trump : celui du libre-échange et celui de l’indépendance de la banque centrale, qui se concrétise ensuite dans l’autonomie des marchés financiers vis-à-vis de la volonté démocratique.

Ces faits, quel que soit le jugement politique que l’on veut leur donner, clarifient l’extrême gravité de la situation que vivent les États-Unis et le monde.

Une gravité extrême qui est également due au fait qu’à l’heure actuelle, aucun des principaux acteurs mondiaux (essentiellement les États-Unis, la Chine, l’UE et dans une moindre mesure la Russie et le Japon) ne semble prêt à céder un pouce par rapport à ses positions.

Trump voudrait réindustrialiser les États-Unis pour avoir un excédent commercial, mais en même temps, il veut garder le dollar comme monnaie standard pour le commerce international, afin que Wall Street puisse garder les réserves en dollars que les banques centrales et les institutions financières et les entreprises industrielles du monde entier accumulent.

Dans le même temps, la Chine, le Japon et l’Europe veulent à tout prix conserver leur rôle de plus grand fabricant mondial. Et ils n’ont pas l’intention de devenir des importateurs nets avec pour conséquence de perdre à la fois une partie de leur tissu industriel et – lentement mais sûrement – l’énorme richesse qu’ils ont accumulée.

Il semble évident que le jeu en est à un point tel que les joueurs de poker qualifieraient d' « impasse mexicaine ». Personne ne cède sur ses positions et des stratégies sont même tentées pour effrayer l'interlocuteur.

Les Américains continuent d’imposer des tarifs draconiens sur les importations en provenance d’autres pays ; pas plus tard qu’aujourd’hui, Washington a annoncé des droits de douane de 3521 % sur les panneaux solaires en provenance du Cambodge, de la Thaïlande, du Vietnam et de la Malaisie. Dans le même temps, les banques centrales d’autres pays vendent massivement des obligations d’État américaines à long terme pour les remplacer par des obligations à court terme, une décision qui sent la menace et alerte le gouvernement américain sur un manque de confiance dans la viabilité à long terme de sa dette.

Dans cette impasse mexicaine de la guerre monétaire et commerciale, tous les dogmes et toutes les logiques des dernières décennies semblent aujourd’hui dépassés.

Si Trump remet en cause l’indépendance de la Réserve fédérale et le dogme du libre-échange, la Chine semble également prête à changer complètement d’approche, proposant à l’Europe de former une alliance pour contrer l’offensive trumpienne avec des droits de douane à l’importation. Des temps intéressants (et dangereux) sont en effet à venir !

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