Chroniques apocryphes du bâtisseur de la 'Nouvelle République'.(4)

J-24.

Retour sur mon projet de constitution, enfin publié hier vers le coup de 21 H...

Pour vous la faire courte, son architecture est largement calquée sur la Constitution de 1959, mais pas sa philosophie qui ressemble à une Odyssée.

C'est ainsi que pour faire honneur, au format classique des Constitutions, j'ai commencé par esquisser un long et nébuleux préambule, certes largement tourné vers le passé mais rédigé dans une veine Justicialiste, façon Juan Péron, que j'admire tant.

D'autant plus, que je n'ai aucun intérêt à perdre, dès à présent, le contact avec mes 620 000 votants du 1er tour de l'élection présidentielle et qui seront, une fois de plus, je l'espère, la clé de voûte de mon référendum.

Afin d'être cohérent avec moi-même, qui n'ai jamais, au grand jamais, utilisé le mot Démocratie dans aucune de mes interventions publiques, j'ai estimé, qu'il n'y avait aucune raison d'insérer ce terme dans mon projet de constitution.

L'hypocrisie, ce n'est pas mon fort, et quant aux amoureux de la nuance, passez votre chemin...

Tous les pouvoirs qu'ils soient, exécutifs, législatifs et judiciaires sont désormais 'fonctionnarisés' : merci au trio Belaïd- Mahfoudh-Bouderbala pour cette idée lumineuse. Ceux-là, à mon grand regret, je les ai trouvés très bavards et se sont pris trop au sérieux.

Un vilain petit défaut, à l'heure des réseaux sociaux…

Sinon, je devine déjà la tête que font les antiparlementaires primaires, épidermiquement allergiques au fonctionnement du parlement dans notre paysage institutionnel.

Tenez-vous bien, maintenant, il y en aura deux…

Identifier la Tunisie comme partie intégrante de la 'Umma Islamique' c'est, je l'avoue, une idée qui me trottait dans la tête, depuis belle lurette. Encore un peu, et pris dans mon élan, j'allais ajouter : 'dirigée par un Sultan'.

Mais je me suis ravisé au dernier moment, en pensant à ce brave Belaïd, encore à l'hosto, qui ne s'en remettrait jamais, s'il venait à l'apprendre.

J'ai biffé volontairement le volet économique et social, pompeusement rédigé par Bouderbala, plus bâtonnet que bâtonnier.

Le mécanisme de la motion de censure, emblème du régime parlementaire que je déteste viscéralement, il est inutile dans un système présidentiel, à ma dévotion.

Mais comme il me faut sauver les apparences, je l'ai gardé en le bétonnant : une majorité requise de 2/3 des représentants du peuple réunis en une sorte de congrès (chambre haute et basse).

Autant dire, qu'il n'a aucune espèce de chance d'être activé un jour…

J'ai fait le choix de me faire assister par 2 profs de droit constit pour faire glisser, à leur insu, il est vrai, la référence à la religion, et ce, de l'article 1 de l'actuelle constitution à l'article 5 de la nouvelle, à l'aide d'une performance sémantique dont je suis le seul à connaître le secret. …

J'ai toléré une séparation des pouvoirs la plus lâche possible pour faire, évidemment, la part belle, à l'exécutif dont je serai le seul dépositaire et surtout sans comptes à rendre.

Enfin, j'allais l'oublier, s'agissant des mesures exceptionnelles, en cas de péril imminent, j'ai gardé le dispositif du fameux article 80, qui a fait ma fortune politique, tout en supprimant, les bornes relatives aux délais de son application.

Histoire d'avoir davantage les coudées franches, la prochaine fois. Qui sait…

Ma cerise sur le gâteau, consiste en ce que, dès la proclamation des résultats, qu'ils me soient ou non favorables, la nouvelle constitution entrera en vigueur.

De tout ce qui précède, j'ai presque envie de crier au génie.

Il me faut, toutefois, rester modeste. Quelques-uns parlent déjà de supercherie de ma part…

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