Joseph Aloïs Schumpeter (1883 – 1950)

« L’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle –tous éléments créés par l’initiative capitaliste. »

1/ Biographie

Joseph Aloïs Schumpeter est né en 1983. Economiste d’origine autrichienne, il est classé parmi les hétérodoxes. Il fut le ministre des Finances d’un gouvernement socialiste. Très marqué par la lecture de Marx (1818 – 1883) -même s’il ne partage pas la totalité de ses idées- il est surtout connu pour sa contribution à l’analyse de l’évolution du capitalisme. Il est en effet le premier économiste à avoir compris l’importance du progrès technique à travers son analyse de l’innovation.


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Son œuvre est très importante. Parmi les nombreux ouvrages qu’il a écrits, on peut signaler la Théorie de l’évolution économique (1912), Le Cycle des affaires (1939) ou encore Capitalisme, Socialisme et Démocratie (1942) où il analyse la destruction du capitalisme. A sa mort en 1950, il laisse son dernier ouvrage Histoire de l’analyse économique inachevé.

2/ Place de Schumpeter dans la pensée économique

Schumpeter est un économiste hétérodoxe que l’on ne peut classer dans aucun des trois grands courants principaux (courants libéral, keynésien et marxiste). Il a marqué la recherche économique par l’originalité de son analyse de l’innovation, dont s’inspirent les théories contemporaines de la croissance et des cycles.

En effet, il a cherché à comprendre pourquoi le système capitaliste est-il capable d’évoluer, de se transformer continuellement ? Il a montré que le capitalisme donne toutes leurs chances aux entrepreneurs qui prennent le risque de mettre en œuvre des innovations. Celles-ci se produisent par vagues successives, il en résulte une croissance rythmée par des cycles longs.

3/ Démarche

Sa formation pluridisciplinaire (droit, économie, sociologie) marquera profondément son œuvre. Schumpeter est un très bon connaisseur de l’œuvre de Marx. Il en a été marqué sans pour autant partager la totalité de ses idées. Il est aussi un grand admirateur de Max Weber (1864-1920) et Werner Sombart (1963-1941) a qui il emprunte le concept de « destruction créatrice ».

Son analyse de l’entrepreneur est imprégnée de l’importance des valeurs dans la logique de l’acteur. Ainsi on constate l’influence de Max Weber. Il en demeurera marqué par l’individualisme méthodologique.

4/ L’entrepreneur comme innovateur

J.A. Schumpeter considère que l’entrepreneur est le personnage clef du capitalisme. Il a le goût du changement, de l’énergie, de la volonté et une bonne connaissance du marché. La récompense de ses efforts est le profit.

En effet, une entreprise innovante peut protéger ses droits de propriété sur une innovation en déposant un brevet : Dés lors elle dispose d’une rente de situation qui peut lui permettre soit d’exploiter le brevet elle-même (avantage concurrentiel), doit de toucher des royalties en autorisant une autre entreprise à exploiter l’innovation. Les profits ainsi dégagés, grâce à la prise de risque initiale, permettront le financement de nouvelles recherches…

Cependant, Schumpeter tempère la foi de ses débuts dans les capacités de l’entrepreneur innovant à impulser sans cesse renouvelée du capitalisme. Il considère, en effet, qu’une rationalisation poussée à l’extrême du processus d’innovation engendre de la routine et peut scléroser la capacité d’innovation du système capitaliste.

5/ Les innovations, à l’origine des cycles

L'innovation chez Schumpeter recouvre cinq grandes catégories:


* la fabrication d'un bien nouveau,

* l'introduction d'une méthode de production nouvelle,

* la réalisation d'une nouvelle organisation,

* l'ouverture d'un débouché nouveau,

* la conquête d'une nouvelle source de matière première.

Pour cet économiste autrichien les innovations majeures provoquent une rupture à l'intérieur du système productif, en rendant caducs les produits anciens, ou obsolètes les anciens procédés. Elles contribuent donc à leur disparition « (destruction… »), en parallèle à la diffusion des produits ou des procédés nouveaux dans l'économie. Ainsi, de nouvelles activités apparaissent (« … créatrice ») tandis que d'anciennes disparaissent. L’innovation exerce donc un double impact sur le système économique en faisant disparaître des activités (et les emplois associés), tout en permettant la création et la montée en puissance de nouvelles (et d'emplois associés).

En définitive, l'innovation est donc à la base des fluctuations cycliques de l'économie, chaque innovation majeure provoquant l'entrée dans un cycle long (de Kondratiev), marqué par une période d'expansion de 20 à 30 ans (voir graphique ci-après), où l'innovation majeure se décline sous formes de grappes d'innovations (incrémentales) qui permettent une croissance plus forte ; lorsque les effets de l'innovation s'épuisent, l'économie rentre en récession, voire en dépression (phase B du cycle long de durée équivalente).


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6/ Les conséquences économiques et sociales de cette évolution cyclique à long terme

A long terme (LT), « (…) l’évolution capitaliste améliore progressivement le niveau d’existence des masses (…), disait-il. Le progrès technique et les innovations industrielles et des produits améliorent les conditions de vies des individus. Si à CT le progrès technique est destructeur d’emploi ; à LT il est, au contraire, créateur d’emploi qualifié.

Cependant, il convient de souligner que Schumpeter est plus nuancée sur le LT à propos l’évolution du système capitaliste. Il considère que l’évolution technique rend instable la position de monopole et incite les entreprises à innover, l’augmentation de leur taille fait disparaître l’esprit d’innovation de l’entrepreneur. Le développement du capitalisme, avec les sociétés anonymes de grande taille, modifie le sens de la propriété et fait disparaître le modèle de l’entrepreneur capitaliste. Le capitaliste risque d’être victime de critiques importantes et le système socialiste peut alors le remplacer.

7/ L’évolution récente confirme-t-elle l’analyse de l’évolution cyclique de l’économie proposée par J. Schumpeter ?

Pour les partisans de l’analyse schumpetérienne, la forte croissance des trente Glorieuses s’expliquerait par des innovations fondamentales dont la généralisation du fordisme ou la création de nouveaux biens de consommation, mais tous ces moteurs seraient en panne depuis le milieu des années 1970 et aucune innovation majeure ne parviendrait à les remplacer.

Cette explication doit être nuancée car la crise actuelle avec son progrès technique important semble bien différente d’une phase B d’un cycle Kondratiev. Effectivement, de nouveaux procédés de production se diffusent (automatisation, par exemple) ainsi que de nouvelles organisations de la production (flux tendus, par exemple) et de nouveaux produits continuent à être innovés (micro-ordinateurs, par exemple). On pourrait même affirmer au contraire que la crise est due à cet important progrès technique qui induit une destruction créatrice trop forte et rapide pour laisser le temps à l’économie de se restructurer en douceur.

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