Le déni et la répression ne contribuent ni à la stabilité du pays ni à la continuité de l’Etat

Plus de quarante-quatre citoyens ont été incarcérés tard la nuit dernière dans la capitale et Sétif, sans compter les nombreux citoyens placés sous contrôle judiciaire hors de toute base légale sous des chefs d’accusations dont le libellé remonte à l'époque du parti unique et des cours de sûreté de l'Etat.

Ces dispositions ne peuvent être comprises que sous l’optique d’une stratégie claire de démoralisation, d’instillation de la peur et du désespoir pour intimider et interdire aux citoyennes et citoyens l’exercice effectif de leurs droits civiques.

C’est pourtant cet usage citoyen qui a permis à l'Algérie d'éviter le cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika et mis un terme- provisoire – au « gang » selon le terme utilisé par le défunt chef d'état-major. Ce général qui avait cependant lui-même lancé la campagne en faveur de Bouteflika depuis une caserne et qui avait également convoqué le corps électoral pour imposer Abdelmadjid Tebboune à El Mouradia en décembre 2019.

La campagne d'arrestations et de décisions judiciaires qui contredisent le droit de manifester prévu à l'article 52 de la constitution d'Abdelmadjid Tebboune, intervient à la veille du lancement d'une campagne électorale pour des élections législatives. Toutes les indications indiquent que l'administration a mis en place un dispositif de sélection des candidats et que les élus sont déjà identifiés, en contravention directe avec la Constitution et la législation.

Aussi, toutes les données montrent que l’autorité de fait supplante la volonté du peuple et les différentes instances, y compris les appareils qui participent à cet exercice très formel. Cette option ne peut que contribuer à l’approfondissement de la crise institutionnelle et de représentation en accélérant la déliquescence ce qui subsiste encore de l’autorité politique et juridique de l’Etat. Nul n’ignore que les organisations politiques de pouvoir dénuées de légitimité sapent l’Etat qu’elles prétendent incarner facilitant toutes les entreprises externes et les visées étrangères.

La violence délégitime l'autorité et détruit l'État

Malgré toutes les données qui montrent que les prochaines élections générales compliqueront la situation à différents niveaux, les décideurs confirment le passage en force dans la logique suicidaire lancée le 12 décembre 2019. Ce renversement de sens dans un autoritarisme qui rejette le pouvoir de la politique.

Cela produit l’image d’un système démuni de vision et de perspicacité. Cette perception d’un régime replié est particulièrement préjudiciable un contexte international ou une autorité sans base sociale minimale est marginalisée.

A la suite d’une consultation sans électeurs et sans campagne électorale, gérée par le système de nomination avec des outils datant de bien avant le 22 février 2019, les élections ne résoudront ni le problème de la représentation politique ni la question de la légitimité du parlement.

Cette énième farce électorale ne peut être qu'un facteur supplémentaire de fragilité. Car en creusant le fossé entre la société et les détenteurs du pouvoir l’on contribue à potentialiser les facteurs qui exposent le pays à tous les risques. Toutes les données montrent que le prochain parlement sera encore plus faible que le président désigné, ce qui n’est pas peu dire. Cette faiblesse concoure à accentuer la dépendance aux moyens de contrôle par la violence et l’autoritarisme. La dérive vers des niveaux croissants d’oppression ne peut que porter atteinte à la cohésion nationale et étouffer l’influence et la signification politique de l’Etat.

De nombreuses données et éléments d’information concordent sur le fait que le locataire d’El Mouradia ne contrôle pas le pouvoir qui est censé être le sien et confirment qu’il ne possède ni la vision politique ni la perception des enjeux nécessaires à l’exercice de sa fonction.

Au contraire, les décisions récentes et la forme de leur publication sont caractéristiques du flou et de l’ambiguïté de la posture présidentielle. Cette situation est problématique à plus d’un titre d’autant que personne n’ignore l’ampleur et la complexité des défis économiques et sociaux que le pays devra relever dans les mois et les années à venir. Ces défis sont immenses, complexes et représentent des obstacles sérieux même pour des régimes qui ont résolu les problèmes de légitimité politique.

Face aux revendications populaires et à l’inéluctable démocratisation de la vie politique, le système se recroqueville sur les moyens de répression, sur les polices et les logiques carcérales. Il n’existe pas de programme de sortie de crise ni d’éléments de prospective : la politique de l’autruche est bien celle du déni de réalité. Mais nier les problèmes n’y met pas fin. Tout comme le repli et la répression ne créent pas de stabilité et ne garantissent pas la continuité.

Quand finira-t-on par comprendre que la violence, l'oppression et la fermeture sont les signes d’une périlleuse régression politique vers la nécrose de l’État ?

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