Faut-il tourner le dos au rapport de la COLIBE ?

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Le problème est loin d'être le rapport de la COLIBE. Le problème, c'est notre refus de trancher : quelle identité pour notre Etat ? Au lendemain de l'adoption de la Constitution de 2014, le texte s'est résumé urbi et orbi à l'article le plus aberrant de notre histoire constitutionnelle, à savoir l'article 6 : le sacré face à la liberté de conscience. Essayez, déjà, l'harmonisation de notre corpus juridique avec la Constitution, à partir de cet article et vous mesurerez par vous-mêmes l'aberration de l'approche.

Cette démarche de vouloir faire fondre les situations les plus contradictoires a pris forme, plus tard, à travers le vrai-faux principe de "consensus" qui n'a fait que fondre les divergences, même les plus rationnelles. Les plus logiques, ne serait-ce qu'en fonction du cours normal de l'Histoire.

Celles et ceux qui ont écrit la Constitution savaient pertinemment que l'arsenal juridique, en Tunisie, n'allait pas survivre aux nouvelles dispositions. Et, là, faut-il préciser, c'est loin d'être la responsabilité de la COLIBE. Loin s'en faut !

Le rapport de la COLIBE est loin de faire dans le "correctement politique". Il est, évident, du coup, qu'il provoque un tel tollé. Mais, fait-il faire taire ses détracteurs ? Et, par détracteurs, j'entends critiques pacifiques, sans outrances ou dépassements !

Le rapport fait dans le sens unique. Avouons-le. La composition de la COLIBE est loin de faire l'unanimité, non seulement au vu du parcours de ses membres respectifs, mais - aussi et surtout - eu égard à la marginalisation de plusieurs acteurs dont la présence est incontournable, tels que des penseurs islamiques d'une autre couleur ou encore des magistrats qui ont cumulé une grande expérience-corpus et qui savent mieux que d'autres les répercussions des dérives du texte et du blocage que peut engendrer le statu quo, instauré dans une quasi-sacralité, en août 1956.

Aussi, faut-il admettre que les islamistes ne sont pas les seuls détracteurs de la COLIBE. Ils sont les plus en vue ou sont, dans d'énormes proportions, les plus recherchés par les inconditionnels des recommandations émises par la commission.

Le PSD-RCD-Nidaa n'est-il pas le leitmotiv du conservatisme en Tunisie, non seulement en tant que parti du pouvoir -et non pas au pouvoir, la différence est énorme - mais aussi et surtout en tant que réseau d'intérêts socio-économiques ?

Encore, faut-il préciser que, si les Islamistes se basent, dans leur approche conservatrice, sur une lecture bien déterminée de l'Islam, le PSD-RCD-Nidaa a érigé son conservatisme sur un alibi de nationalisme et de souverainisme.

A mon sens, la COLIBE a raté aussi sa stratégie de communication. Une large frange de l'opinion publique n'a retenu, à tort ou à raison, que trois points du rapport. Point de débat, en effet, sur la torture, la dignité humaine ou encore l'état d'urgence.

Des failles. Le rapport n'en manque pas. A juste titre, la COLIBE saute sur de nouvelles formes de discrimination, notamment dans le milieu socioprofessionnel. Vous l'avez bien compris ! Je parle, effectivement, de personnes portant une barbe ou un voile ! Cherchez dans votre entourage ! Vous en trouverez des victimes par dizaines !

Maintenant, faut-il tourner le dos au rapport de la COLIBE ? J'ai bien peur que le Président de la République le fasse ! Et, cela risque d'enterrer, non seulement, le rapport mais une tentative de redessiner les contours d'une société.

Pour ce faire, un débat décomplexé doit s'ouvrir, avant et après le discours présidentiel fort attendu du 13 août. Sans ambages ni fioritures ! Avec en ligne de mire de trancher : quel Etat voulons-nous ?

Car, j'ai bien peur, aujourd'hui, de faire partie des adeptes du 12 août. Ceux-là même que Hatem Nafti a pertinemment présenté comme otages de deux minorités : une ne voyant qu'une Tunisie arabo-musulmane et une autre qui retient de tout ce beau monde passé par nos contrées, depuis des siècles, toutes les civilisations, à l'exception des Arabes et/ou des Musulmans.

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