Tunisie : Régler les déséquilibres macroéconomiques du pays

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Le ministère des finances tunisien vient de publier après une longue attente un rapport contenant quelques chiffres importants sur les entreprises et caisses publiques, j’ai mis ceci sous forme de tableau récapitulatif, voici quelques highlights en bullet points (ni le tableau récapitulatif ni tous chiffres et points mentionnés ci-dessous figurent dans le rapport) :

- Le montant de capital négatif des entreprises les plus fragiles financièrement approche -10 milliards de TND qu’il faudra combler un jour, ce capital négatif, dû aux pertes cumulées ces dernières années, est aujourd’hui financé par les banques ou le non-paiement de cotisations sociales, factures d’électricité, de fournisseurs locaux (Tunisair ne paie pas l’OACA, la STIR ne paie pas l’ETAP, le groupe chimique ne paie pas la CPG, la CNRPS ne paie pas le CNAM, les exemples sont nombreux). Ou bien l’état remet de l’argent pour renflouer le système ou ce système va bientôt atteindre ses limites. On parle de 10% du PIB qui n’apparaissent pas dans les indicateurs habituels de dette.

- Les pertes et subventions pour les 31 entreprises les plus grandes ont dépassé 9 milliards de dinars ou 8.5% du PIB en 2018.

- Si on exclut le secteur financier, le montant des dettes est plus de 15 fois le capital restant au total, ces entreprises sont trop endettées pour être viables avec leur capital structure actuelle.

- Une entreprise non publique ne peut pas vivre ni avec un capital négatif ni avec un montant de dettes très élevé par rapport à son capital car les charges financières seraient trop grandes pour espérer dégager des bénéfices et être rentables.

- Les banques publiques dégagent des bénéfices, certes ces dernières années mais leur ratio de capital tier one est plutôt bas surtout pour la STB et la BH avec moins de 8% (il faut avoir au moins 10% au niveau international).

Les crédits aux entreprises publiques et les dettes de l’état représentent environ 50% des actifs des banques publiques créant un risque systémique. Le pourcentage des crédits douteux (clients qui ne paient pas) dépasse 20% des crédits, ce qui démontre une mauvaise gestion des risques.Le plus grand risque pour le système financier est une baisse importante des taux, avec leurs coûts fixes plutôt élevés (salaires, agences, etc.), ils vont devoir faire des économies dans ce scénario très probable pour éviter des pertes élevées.

- Le système de sécurité sociale est à l’agonie et la démographie et le chômage en hausse ne vont pas arranger les choses. Les fonds propres de la CNRPS et de la CNSS sont très négatifs, ils arrivent à payer les retraites car ils ne paient pas les cotisations de l’assurance maladie à la CNAM et paient les retraites avec l’argent de l’assurance maladie.

C’est la cause de la dégradation des services de santé et des difficultés que rencontre la pharmacie centrale pour s’approvisionner à temps en médicaments.

- Le palmarès des meilleurs salaires et syndicats revient à la BNA (6800 dinars brut par mois en moyenne), talonnés par les autres banques, Tunisair, la CTN, la STIR. Le salaire mensuel brut moyen est de 3250 dinars. La CNSS, le secteur agricole, la pharmacie centrale et la SNCFT ont des salaires plus bas que la moyenne ou d’autres peers.

Grâce aux syndicats puissants, les salariés de ces entreprises ont des rémunérations plus généreuses que les fonctionnaires de l’état et du secteur privé, en plus des avantages en nature (électricité gratuite pour la STEG, vols gratuits pour Tunisair, voitures de fonction, etc.) non inclus dans le chiffre de salaire brut moyen.

- Les salaires de l’office d’aviation civile et des aéroports ont le plus augmenté dans la période 2016/2018, +38%. Les salaires augmentent via les négociations avec les syndicats, les primes sectorielles spécifiques, les promotions systématiques et rapides.

- La STEG et Autoroutes de Tunisie ont 100% de leurs dettes à long terme en devises étrangères expliquant leurs pertes élevées en 2018 avec la hausse du rythme de dépréciation du dinar, c’est un facteur de risque supplémentaire. Il faut donc s’attendre des hausses du prix d’électricité et le droit d’emprunter les autoroutes.

-75% des céréales consommées en Tunisie sont importées, la consommation moyenne est de 800 grammes par personne et par jour et le coût de la subvention est de 0.3 dinar par jour et par habitant. L’office des céréales a des stocks couvrant en moyenne deux mois de consommation expliquant la pénurie au début du confinement quand la consommation a augmenté significativement.

- La retraite moyenne payée par la CNRPS (fonctionnaires) est de 1000 dinars par mois alors que celle payée par la CNSS (secteur privé) est de 400 dinars par mois montrant le fossé entre le régime public et privé et le différentiel de rémunération.

Le rapport complet est ici, merci pour cette transparence enfin…

http://www.finances.gov.tn/…/fil…/2020-05/annexe_n_09_01.pdf

Le défi de redresser cette partie importante de l’économie est une des clés pour régler les déséquilibres macroéconomiques du pays (inflation, déficit de la balance courante, taux d’épargne nationale très bas, investissement en baisse).

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