Des interrogations légitimes

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J'ai depuis trois jours, des questions sans réponses concernant la visite officielle de Youssef Chahed à Paris. Ces questions sont dictées par mon droit absolu, en tant que contribuable, à l’information, par le principe de la transparence et par la nature de mon métier qui est par essence au service de la redevabilité et de la Vérité ; elles sont dictées également par l'absence de toute réponse dans la couverture journalistique, médiatique et même " promotionnelle " de la dite visite :

1/ Pourquoi n'a-t-on pas annoncé au préalable le programme précis de la visite officielle du chef du gouvernement et de la délégation officielle qui l'accompagne ?

2/ Pourquoi n'e dit-t-on pas à l'opinion publique les raisons de l'annulation de certaines activités qui étaient programmées et publiquement annoncées (par exemple le débat avec les jeunes tunisiens résidents en France qui devait suivre la conférence donnée par Youssef Chahed à l'Institut du Monde Arabe) ?

3/ Pourquoi n'a-t-on pas le droit de connaitre la liste nominative, la qualité des personnes qui ont officiellement accompagné le chef du gouvernement lors de la visite en France et la partie qui assume les charges ? (les photos qui circulent dévoilent déjà la présence, à Paris, simultanément à la visite du chef du gouvernement, d'un grand nombre de conseillers non annoncés et de personnes qui occupaient auparavant des postes politiques qu'elles ont quittés ou desquels elles ont été démises. Pur hasard ? C’est une chose peu probable ! … par exemple Abderrahim Zouari, Mehdi Ben Gharbia et Selim Azzabi)

4/ Et ce nombre indéfini de conseillers auprès de la présidence du gouvernement ? Pourquoi faut-il que ces conseillers restent dans l’anonymat, le peuple ne découvre leur existence (lorsque c’est le cas) que par hasard à l’occasion d’une photo ou d’une vidéo qui circulent sur les réseaux sociaux ?

Les organes de l’Etat sont les premiers appelés à respecter rigoureusement les règles de Transparence, du Libre Accès à l’information officielle et à respecter rigoureusement la Loi (n’est-ce pas : INLUCC, INAI, ARP, Cour des Comptes … ?). N’est-il pas obligatoire de rendre publique la liste exhaustive nominative des conseillers, mentionnant clairement la nature des pouvoirs qui leur sont confiés et les avantages et privilèges dont ils bénéficient ? N’est-il pas là question de l’argent des contribuables qui ont le droit de savoir ?

5/ Quels étaient les critères du choix des autres personnes, non officielles, n’ayant pas de fonctions au sein de l’exécutif, qui ont accompagné le chef du gouvernement, quelles étaient les raisons de ce choix ? Qui va en assumer les charges, encore une fois ? Cette question précise s’impose d’autant plus que parmi ces personnes figuraient des directeurs de médias, des journalistes et des directeurs d’instituts de sondages.

6/ Que pensent les institutions de la profession journalistique de tout cela, en voyant tout ce beau monde marcher derrière le chef du gouvernement et son groupe de ministres (ma pensée va surtout à notre Syndicat National des Journalistes Tunisiens) ? Ne s’agit-il pas là d’une sorte d’interférence entre le quatrième pouvoir et le pouvoir exécutif ? Un tel rapprochement « peu limpide et apparemment non justifié » ne serait pas de nature à fausser quelque part l’indépendance, le caractère impartial de la couverture médiatique de la visite officielle ?

7/ Comment devrions-nous percevoir la présence, parmi la délégation, du directeur d’un institut privé de sondages (en l’occurrence Hassan Zargouni de Sigma Conseil) et le fait de l’avoir choisi pour animer la conférence donnée par Youssef Chahed à l’Institut du Monde Arabe ? N’y a-t-il pas en cela une sorte de menace pour la transparence et la crédibilité des informations et données qu’on sert à l’opinion publique, comment être sûr dans ce genre de cas que les règles du jeu démocratique ne soient pas faussées et illusoires, ayant toujours à l’esprit que nous sommes à deux doigts de l’échéance électorale ?

Comment faudrait-il interpréter cette scène, quelle connotation faudrait-il lui donner lorsque, un jour après la fin de la visite, ce même institut publie le résultat d’un dernier sondage qui annonce une percée importante pour le chef du gouvernement le plaçant à la tête des intentions de vote aux prochaines présidentielles… ? Qui dans ce cas pourra nous reprocher le fait de penser qu’il puisse exister un soupçon de manipulation de l’opinion publique ou de conflit d’intérêts, soupçon, qui en soi, est déjà annonciateur de menaces (même si l’on suppose que les « intentions étaient bonnes ») ?

8/ Est-il d’usage (dans la vie politique d’une manière générale et dans les pratiques démocratiques qui sont essentiellement bâties sur la séparation des pouvoirs et sur l’immunisation des organes officiels de l’Etat contre l’ingérence partisane), que le profil facebook du dirigeant d’un parti politique (n’ayant jusqu’à nouvel ordre aucun poste de responsabilité au pouvoir) se transforme en une source de l’information officielle concernant les activités (officielles) du chef du gouvernement de tous les tunisiens , au lieu de trouver cette information à leur endroit naturel : le site de la présidence du gouvernement, le portail du gouvernement, les pages officielles sur les réseaux sociaux ( La dernière mise à jour du compte Twitter de la présidence du gouvernement date du 25 janvier 2018, celle du compte du chef du gouvernement date du 24 janvier 2019 , tout en rappelant que lors de la visite on a annoncé en grande pompe la décision de créer une station T, un campus tunisien de start-up à la manière de Station F chez nos amis français) . On se demande quel est le message qu’on envoie au peuple ?

9/ Et arrive finalement la question la plus brûlante : comment expliquer et justifier la présence en France, à Paris, des fondateurs et dirigeants du nouveau parti « Tahya Tounes », créé récemment pour mener, dit-on, la campagne électorale du chef du gouvernement prochainement ? Est-il acceptable et légitime qu’un parti politique (qui en plus n’est pas encore au pouvoir) accompagne la délégation officielle de l’Etat, dans une visite financée par les deniers publics et dont la finalité est de tirer profit pour le seul Intérêt Public ?

Est-ce un acte correcte du point de vue éthique (oui car en politique il y a aussi de l’Ethique) ? Est-il acceptable de laisser un parti politique profiter de la visite officielle et de tout le dispositif et toutes les ressources de l’Etat qui ont été mis en place, de le voir entamer sa campagne électorale avant l’heure et recruter de nouveaux « militants » et des sympathisants en marge d’une œuvre politique officielle de l’Etat ?

Que font les dirigeants et députés de « Tahya Tounes » à Paris parallèlement à la visite de notre gouvernement et son chef ? Encore une fois on se demande : quel est le message que nous devons, nous les tunisiennes et tunisiens, décrypter à travers cet enchevêtrement et cette confusion entre la chose publique (les organes de l’Etat) et les ambitions particulières d’activistes de partis politiques ?

Avec quel sentiment recevra le peuple l’exploitation des grands moyens de l’Etat à des fins partisanes qui ne concernent en rien l’Intérêt général et la confusion et conflit d’intérêts dans lequel on a fait tomber le chef du gouvernement .

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