Charles Alexis de Tocqueville (1805 – 1859)

« L’aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan au roi ; la démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part. »
De la démocratie en Amérique, Tome II

1/ Biographie

Alexis de Tocqueville naît à Paris le 29 juillet 1805 dans une famille aristocratique. Après ses études de droit, il est nommé juge en 1827. Il profite d’une mission d’étude du système pénitencier américain de mai 1831 à février 1932 pour s’informer sur la société américaine. En 1835, publie le tome I de « De la démocratie en Amérique ». En 1839, élu député ; il participe à la rédaction de la Constitution de la Seconde République et devient ministre des Affaires étrangères en 1849.

Il fait partie des opposants au coup d’Etat du 2 décembre 1851 par Louis-Napoléon Bonaparte, qui met fin à la république et établit le Second Empire. Après une brève incarcération, il est forcé de se retirer de la vie politique. En 1956, il publie la première partie de « L’Ancien Régime et la Révolution », une œuvre qui reste inachevée car il décède à Cannes le 16 avril 1859.

2/ Place de Tocqueville dans l’histoire de la pensée

Son ouvrage « De la démocratie en Amérique » connaît dès sa publication un grand succès aussi bien en France qu’aux Etats-Unis. Il est alors considéré comme grand historien et philosophe politique. Il est en effet le premier à avoir souligné que la démocratie n’est pas seulement un régime politique, c’est avant tout un processus qui touche la structure sociale : La démocratie ne peut se développer que dans les sociétés où existe une certaine mobilité sociale. Il donne ainsi une définition sociologique de la démocratie.

3/ Démarche

Alexis de Tocqueville accorde à l’individu un rôle moteur dans le changement social. C’est cette posture qui en fait, selon Raymond Boudon (1934 – 2013), le pionnier de l’individualisme méthodologique.

4/ L’égalisation des conditions comporte trois dimensions

Dans De la démocratie en Amérique (1835 et 1840), Alexis de Tocqueville montre que l'égalisation des conditions est le fondement de la démocratie.

« Parmi les objets nouveaux qui, pendant mon séjour aux Etats-Unis, ont attiré mon attention, aucun n’a plus vivement frappé mes regards que l’égalité des conditions. Je découvris sans peine l’influence prodigieuse qu’exerce ce premier fait sur la marche de la société ; il donne à l’esprit public une certaine direction, un certain tour de lois ; aux gouvernants des maximes nouvelles, et des habitudes particulières aux gouvernés. »


* L’égalité juridique: les individus sont égaux s'ils disposent des mêmes droits. Mais il ne suffit pas que l'égalité soit proclamée (Déclaration des droits de l'homme de 1789) pour qu'elle soit réelle. Encore faut-il qu'elle s'inscrive dans les mœurs.


* L’égalité des chances : l'égalité matérielle est impossible à réaliser. Si les inégalités de fait persistent, l'essentiel est que l'égalité des chances soit réalisée. Tout individu, quelle que soit son origine sociale, doit être capable de réussir socialement.


* L’égalité dans les relations sociales : l'inégalité matérielle peut être compensée par une égalité dans les relations sociales (rapports sociaux). Dans une démocratie, le maître et le serviteur entretiennent un lien de type contractuel. Le serviteur accepte, pour une durée déterminée et moyennant des conditions précises, d'obéir à son maître. Il n'en perd pas pour autant son honneur ni ses droits de citoyen : son maître le respecte.

5/ Tocqueville souligne néanmoins trois effets pervers de l'égalisation des conditions


* L’égalitarisme et l'individualisme : si la recherche de l'égalité des conditions est une vertu, l'égalitarisme est un vice. Il conduit l'homme à développer des sentiments envieux vis-à-vis de ses proches et à voir dans leur réussite non pas le fruit de leur labeur mais celui d'une quelconque inégalité. Absorbés par la recherche de la réussite matérielle, les hommes ont tendance à l'individualisme. Ils ne se préoccupent plus du sort d'autrui et se replient sur eux-mêmes.


* La tyrannie de la majorité : la démocratie est fondée sur le suffrage universel qui conduit souvent à l'adoption de la règle majoritaire. Certaines lois adoptées par la majorité peuvent alors être contraires à la liberté individuelle. La majorité devient dans ce cas tyrannique en condamnant toute forme de déviance de la part des minorités. Elle conduit au conformisme.


* Le délaissement du pouvoir politique : la montée de l'individualisme conduit à un manque d'intérêt vis-à-vis de la chose publique. Les individus risquent alors de subir une nouvelle forme de despotisme : celui des fonctionnaires. Le pouvoir central devenant tout-puissant, les fonctionnaires peuvent imposer leurs règles aux individus.

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