Le débat sur la peine de mort est bien plus vaste…

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Le président de la République a pris parti pour l'application de la peine de mort dans l'affaire du crime odieux commis contre la jeune Rahma. Il a rejoint une majorité de Tunisiens qui appelait de ses vœux cette application, malgré le moratoire dans lequel la Tunisie est engagée depuis de nombreuses années.

On n'en est pas étonné outre-mesure. Car cette position s'inscrit dans une certaine continuité par rapport à des déclarations faites dans le passé sur d'autres sujets : position que d'aucuns qualifient de populisme, et que nous mettons pour notre part sur le compte d'une politique qui consiste à vouloir faire cesser un certain état de domination intellectuelle et morale exercé par une élite sous influence occidentale…

Chaque fois que le petit peuple sera traité comme n'ayant pas voix au chapitre, au nom de principes qui se présentent comme supérieurs, il prendra son parti. Depuis le début, son souci est d'être le président dont les gens simples ne puissent pas dire ni qu'il appartient aux hautes sphères de la société ni qu'il exerce le pouvoir en cherchant à complaire à ces hautes sphères.

Au contraire, il est important pour lui qu'ils puissent se reconnaître en lui et le considérer comme des leurs. En quoi il agit d'une façon qui nous paraît sensée, sachant les conséquences désastreuses d'une politique de mépris et de marginalisation d'une portion importante de la population qui a été menée autrefois.

Ces précisions ont cependant pour but de remettre les déclarations en question dans le cadre d'une démarche de communication qui a montré sa constance. Mais les arguments qu'il produit à l'appui de sa position n'échappent pas pour autant au débat. Et il est important que des réponses y soient apportées. On en propose deux !

Premièrement, sur le fait que le criminel présumé serait un récidiviste et qu'il aurait commis un crime et aurait bénéficié plus tard d'une amnistie, il s'agit de l'établir sur des données documentées et précises sans s'en remettre à des "on dit"… Dans le cas où ce serait effectivement vrai, la question est de savoir si le crime n'est pas imputable à la partie qui a décidé la relaxe en dehors de toute garantie que l'intéressé était réellement apte à recouvrer la liberté sans risque pour la société. Pourquoi ce dernier devrait-il payer pour cette décision inconsidérée, alors qu'il est toujours fragile et incapable de contrôler ses pulsions meurtrières ?

Deuxièmement, sur le fait que des pays qui ont aboli la peine de mort en théorie se permettent de procéder à des exécutions en dehors de toute légalité, la question mériterait plus de détails. Mais le refus de la peine de mort ne correspond pas nécessairement à une façon de satisfaire aux exigences de quelque pays tiers que ce soit ni de son système de valeurs particulier.

Il peut exprimer au contraire le point de vue très patriotique de qui ne tolère pas que la justice de son pays recoure à ce qu'il considère comme une méthode barbare et dégradante dans sa façon de s'exercer et de punir.

De fait, tuer pour punir est le fait d'une justice rudimentaire, digne des sociétés primitives… D'une justice qui rejette sur le criminel la totalité d'une faute en laquelle la société a pourtant une part, en ce qu'elle n'a pas su assurer au criminel les conditions d'une existence apaisée.

Personne n'ignore qu'un criminel est quelqu'un qui a subi lui-même une violence, à laquelle il n'a pas su trouver de réponse qui le réconcilie avec autrui… Le laisser livrer à ses démons jusqu'à ce qu'il commette l'irréparable pour, ensuite, réagir contre lui de la façon la plus dure est le signe d'une société qui, pour sa part, ne sait pas assumer ses responsabilités et ne se dispose pas à le faire.

Ces deux réponses ne sont pas exhaustives. Le débat sur la peine de mort est bien plus vaste. Et il doit être mené : l'engagement de la Tunisie en faveur d'un moratoire ne serait pas une bonne chose s'il devait nous interdire de remettre la question sur la table et permettre aux uns et aux autres de se prononcer, mais aussi d'écouter les raisons de ceux qui ne pensent pas comme eux !

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