Essai conceptuel sur l’impossibilité de retournement du libéralisme sur lui-même

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En réaction à la contraction actuelle du commerce international et de la croissance dans quasiment tous les pays, observée à la suite de la crise sanitaire, certaines opinions ont plaidé pour le protectionnisme comme le principal fait saillant de la configuration de l’économie mondiale post-crise.

A cet effet, elles envisagent des stratégies nationales d’autosuffisance surtout dans quelques secteurs dépendants des chaines des valeurs mondiales, et au mieux le ‘’choix’’ des secteurs porteurs ‘’d’avantages comparatifs’’, toujours non-définis puisqu'ils suppose au moins deux pays précis, ou indiqués de manière arbitraire, pour en faire le ''cheval de bataille'' des stratégies commerciales et de croissance future.

Autant que ces ‘’projections’’ sur fonds de réactions protectionnistes sont plutôt ‘’spontanées’’ et légitimes, autant qu’elles sont a priori objectivement impossibles à se réaliser durablement ; et ce pour les raisons suivantes :

1) D'abord, il convient de rappeler qu’à l’encontre des autres formations économiques et sociales, le ‘’capitalisme’’, par définition, est ‘’la généralisation de la marchandise’’ sur une base géographique de plus en plus élargie.

Certes, la marchandise et le salariat, comme rapports sociaux, existaient depuis la nuit des temps, mais ils n’étaient pas ‘’généralisés’’. Mis à part le ’’Imperialism’’ de Hobson, l‘’Impérialisme, stade suprême du capitalisme’’ de Lénine semble bien décortiquer les mécanismes élargissant nécessairement et continuellement la base géographique du capitalisme (à travers – selon lui et à l’époque- la jonction entre la capital financier le capital industriel).

Cet élargissement nécessaire de la base géographique, rejoint d’ailleurs Ricardo qui prônait la ‘’recherche de terres de plus en plus fertiles’’ en dehors de la Grande Bretagne, pour rééchelonner, voire éviter la ‘’crise du capitalisme’’ (l’état stationnaire-selon lui et à l’époque), où l’accumulation s’arrête à la suite de l’aboutissement du taux de profit décroissant à une valeur nulle.

Dans ce contexte, songer à un protectionnisme post-crise comme principal fait durable, serait tributaire d’un changement radical dans la formation économique et sociale actuelle, ce qui ne serait pas si évident, et n’est d’ailleurs pas une revendication populaire.

2) Ensuite, la ‘’montée du régionalisme’’ et aussi du ‘’protectionnisme’’ comme formes d’expression refaçonnant, voire remettant en cause le fondement de la société moderne, a déjà eu lieu dans l’histoire récente du capitalisme le lendemain de certaines de ses crises cycliques, mais leurs effets n’étaient pas si durables.

Peut-être, la plus intense était celle entre les deux guerres, où la base marchande fut ébranlée en concomitance avec la montée du ‘’Structuralisme’’ (Strauss, Althusser, mais aussi de Bettelheim) ayant influencé presque tous les domaines du savoir, dont l’un des points d’influence était la manière dont l’individu observe et apprécie la fonctionnalité de la réalité en mettant l’accent sur les combinaisons en ses éléments ainsi que la sémantique qu’elle dégage.

En même temps, des organisations internationales ayant fait adhérer la majorité des populations dans le monde à travers leurs gouverneurs, ont été créées. Ces dernières, dont font partie les institutions financières multilatérales soutenant la libéralisation du commerce mondial, n’ont été sans effet sur le devenir des sociétés dans le monde, même celles sous le régime-antidote comme l’URSS et plus tard la Chine.

Cependant, les mouvements altermondialisation, bien qu’intellectuellement enrichissants et ayant-même fait école, comme la CEPAL (Commission d’Economie Politique pour l’Amérique Latine) et l’Ecole de la Dépendance, avec les fameux R. Prebisch, G. Frank, S. Amin, et autres, n’étaient pas parvenus à renverser la tendance à cause, je crois, du défaut d’alternatives viables au ‘’système’’, mais aussi aux capacités dont le libéralisme commercial est doté pour s’adapter aux chocs qu’il reçoit.

3) En plus, souhaiter le protectionnisme pour éviter les méfaits des chocs que reçoit le système économique même avec le support des populations, pourrait être envisagé dans le court terme, mais il n’en serait rien pour le long terme où les distorsions au sein de l’économie ne feraient que se renforcer avec ce qu’elles engendreraient d’effets malvenus de sous-optimalité dans l’utilisation des richesses nationales et de complication dans les stratégies de développement.

Envisager le protectionnisme post-crise, ne permettrait pas à un pays comme la Tunisie de bénéficier du background de la connaissance humaine et de la technologie mondiale ; d’ailleurs l’autarcie n’a été prise que pour une illustration pédagogique.

4) Par ailleurs, envisager le protectionnisme au point d’une modification structurelle dans les chaines de valeurs mondiales qui s’étaient instaurées depuis des décennies selon une dynamique de spécialisations internationales, nous semble peu probable au vu au moins des couts énormes qui seraient occasionnés par cette modification.

En outre, ce ne sont pas les Etats qui gouvernent réellement le monde, c’est le capital et ses prérogatives.

5) Enfin, partant de Zéro-guerre dans l’UE depuis 1945 et les avancées technologiques inédites établies depuis, la période post-crise seraient celle des partenariats stratégiques, d’un renouveau du secteur public et de rapports plus étroits entre gouverneurs et gouvernés, avec ''mieux d'Etat'' que ''plus d'Etat''. C’est ce que j’espère en tous cas.

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