Kaïs Saied : une éthique du désintéressement du « bon serviteur de l’état » à laquelle peuvent s’identifier nombre de tunisiens(nes)

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L’un des éléments relativement peu analysé par les observateurs et les médias sur les raisons du bon score de Kaïs Saied au premier tour de l’élection présidentielle, c’est qu’il incarne une certaine éthique de la simplicité et du désintéressement de serviteurs de l’État à laquelle reste attachée de nombreux Tunisiens, loin des fastes, des dépenses, des phénomènes de corruption, de collusion entre milieux politiques et milieux d’affaires et des campagnes électorales bling-bling.

Sur ce plan, il est clair qu’une partie de l’électorat tunisien a ressenti ces dernières années une overdose du mélange des genres entre business et politique qui l’a incitée à se porter sur des candidats incarnant cette éthique de la simplicité et du désintéressement du « bon serviteur » de l’État.

Car, contrairement à de nombreux pays arabes, l’élite politico-administrative tunisienne, y compris du temps de Bourguiba et, dans une moindre mesure sous Ben Ali, s’est construite historiquement sur cette éthique de la simplicité. C’est en partie pour avoir rompu avec cette éthique du désintéressement que le clan Ben Ali/Trabelsi a été déchu.

Au début des années 2000, lorsqu’avec mon collègue Michel Camau, nous avons rencontré, dans le cadre d’une enquête sociologique les anciens ministres de Bourguiba, nous fumes frappés par la simplicité de leur univers quotidien et de leur domicile familial qui ressemblaient davantage à l’intérieur d’une maison ordinaire d’un fonctionnaire à la retraite que d’une élite enrichie par le business et la politique. Rien à voir avec le luxe ostentatoire des personnels politiques de certains pays du Moyen Orient et du Golfe persique.

Le contexte politique tunisien de ces dernières années marqué par les affaires, les fraudes et la corruption a probablement incité de nombreux électeurs Tunisiens à s’identifier au personnage ordinaire de Kaïs Saied qui incarne à leurs yeux cette éthique de la simplicité et du désintéressement des fonctionnaires tunisiens d’autrefois et qui leur rappellent la figure de l’instituteur, du professeur de lycée ou de l’universitaire qu’ils ont côtoyé durant leur enfance et leur adolescence et dont ils craignent la disparition, y compris chez les plus jeunes qui n’ont pas directement vécu la grande époque du service public tunisien.

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