Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République

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Monsieur le Président,

Deux cent cinquante deux ans, c’est ce qu’avait duré le règne monarchique en Tunisie, soit, jusqu’à aujourd’hui, quatre fois plus que le temps républicain. C’est aussi cette partie de notre Histoire commune qui avait servi de socle à l’engagement politique de tous les Présidents depuis 1957. Comme vous le savez, le Beylicat s’était achevé par la destitution de Sidi Lamine Bey, dernier des dix neuf Beys en exercice et son départ forcé de son propre palais de Carthage.

C’est dans cet endroit hautement symbolique qu’avait été négociée l’autonomie interne et l’indépendance du pays entre le Conseil National de la Résistance et les représentants des forces d’occupation française. Le peuple tunisien avait alors adhéré comme un seul homme à l’ambition de devenir libre pour prendre ses destinées en main. Un jour comme aujourd’hui, il y a soixante trois ans, le 20 mars 1956, notre pays avait pu recouvrer son indépendance territoriale, enfin libéré du joug de l’oppresseur.

Monsieur le Président de la République,

Le palais de Carthage avait déjà subi un premier affront lorsque fût créé en son sein, un cercle privé nommé "zéro de conduite" où les adhérents pouvaient se comporter librement dans des attitudes contraires à la pudeur.

Puis, depuis 1983, l’État Tunisien lui réserva un destin plus conforme à sa valeur. Il deviendra l'Académie Tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts, autrement connue sous le nom de Beït El Hikma.

Monsieur le Président de la République,

Des travaux de ravalement de la façade principale y sont effectués depuis quelques jours et l’emblème de la dynastie Beylicale a été détruit, sciemment et honteusement, sans référer au Ministère de tutelle. Restauration, nous dit-on, mais devrait-on détruire un original pour nous laisser une piètre copie, un faux du vrai, qui n’aura jamais plus la même valeur historique ?

Une véritable démocratie a besoin du respect de son Histoire et de la préservation de tous ses vestiges patrimoniaux. Nous, descendants beylicaux sommes profondément heurtés au plus profond de notre amour-propre par le manque de considération envers tout le passé de nos aïeux et les progrès faits dans notre pays pour la liberté d’expression feront que notre famille ne pourra plus tolérer cet ouragan destructeur.

Monsieur le Président de la République,

Nous, famille Beylicale,

Nous nous indignons contre la pire des attitudes, celle de l’indifférence de la plus haute sphère du pouvoir face aux dégradations volontaires d’un témoin architectural, symbole de notre passé commun.

Nous nous indignons contre cette tactique initiée par la première République, de continuer à construire l’avenir de la Tunisie sur les décombres de la Monarchie ancestrale.

Nous nous indignons contre ceux qui invectivent encore les Beys, leur refusant le rôle dans la participation à l’édification de la Nation tunisienne par la consolidation de leur identité historique, culturelle, linguistique et religieuse.

Nous nous indignons de constater que les crépuscules royaux soient encore dans le prolongement de tout ce que nous lisons encore aujourd’hui dans les réseaux sociaux, cet acte de destruction n’étant qu’une confirmation de cette cabale antimonarchique, voulue et entretenue.

De même, nous déplorons que ce ne soit que dans d’autres pays épris d’altruisme que les époques historiques ne cessent de demeurer un pur ravissement. Et nous espérons que le respect du passé se matérialisera un jour prochain chez nous.

Nous nous indignons de ressentir que l’estime de notre Tunisie plurielle ne grandit toujours pas dans le cœur des dirigeants républicains et que, faute de réécrire plus justement son passé, nous vivons cette chimère comme de simples figurants d’une tragi-comédie.

Enfin, nous nous indignons de cette ombre obscure et fugitive d’un pays trois fois millénaire, celle de notre Histoire qui cultive encore la haine et la dissidence qui nuisent à l’expression d’une vraie démocratie maintenant que le spectre de la Dictature s’est éloigné à jamais de notre horizon politique.

Monsieur le Président de la République,

De par votre fonction de garant des institutions et du bien-être de vos compatriotes, nous, famille Beylicale, vous demandons expressément de donner vos hautes instructions pour qu’une enquête soit diligentée pour déterminer les responsabilités de ceux qui ont initié l’affront fait au patrimoine historique de notre Nation. Que la Justice soit saisie dans les plus brefs délais et que les coupables soient châtiés pour que de telles estocades ne se reproduisent plus à l’avenir.

Par ailleurs, nous sommes heureux que nos compatriotes, quelque soit leur appartenance politique, nous manifestent déjà leur soutien franc et massif devant l’innommable.

Monsieur le Président de la République,

À mon sens, il faudrait réécrire l’Histoire afin de refléter le point de vue de tous ces gens qui en avaient été exclus ; parce que l’Histoire n’est plus une vengeance mais une continuité et qu’elle n’est la possession de personne.

Maintenant que la Tunisie des droits de l’homme se construit peu à peu, l’agenda politicien ne doit jamais plus se substituer à celui du Temps et de l’Equité. Cet écart de respect à toute une Dynastie abaisse les prétentions démocratiques de notre pays et ébranle l’espoir de la Vérité et de la Réconciliation. Ce n’est qu’ainsi que disparaîtront à jamais toutes ces diffamations de bas-étage.

Pendant que les Italiens continuent à encenser la Rome Antique , les Français, leur palais de Versailles, les Grecs, l’Athènes de l’Olympe et les Égyptiens, les Pharaons des pyramides , en Tunisie , l’on perpétue les critiques les plus acerbes à tout un pan de l’Histoire et cela est affligeant car notre Histoire est une trajectoire commune, depuis notre passé jusqu’à notre présent et notre avenir ...

Défendre le droit à la réécriture de notre Histoire commune, c’est d’assumer toute notre Nation avec ses forces, ses faiblesses, ses exploits et enfin de voir naître, grandir et s’épanouir notre pays et de ne pas persister à croire qu’il n’existe que depuis l’âge de la République ...

Monsieur le Président de la République,

Même en République, c’est bien qu’il y ait eu un passé essentiellement Monarchique.

On ne peut aimer la Tunisie en restant obstinément fermé à sa pluralité Historique. En ce jour d’anniversaire d’indépendance, soyez le liant avec les citoyens de toute obédience.

L’exercice du pouvoir est certes difficile. Personne n’a le monopole de la réussite ou de l’échec. Seul le mensonge en sort grandi car on finit par y croire. Et y croire, est déjà une faute de goût et de jugement …

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