Salut, L’Artiste !

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Cette épithète ne m’a traversé l’esprit qu’une seule et unique fois au cours de mon parcours antérieur…C’était à l’occasion de la disparition de l’acteur atypique et exceptionnel que fut Jean-Claude Brialy, qui nous a quittés il y a douze ans suite à une méchante maladie ; retiré dans son manoir parisien, agonisant dans son beau divan en écartant légèrement le rideau d’un geste las et désabusé...Ayant choisi la solitude et le calme, il s’était délibérément isolé de son « beau monde parisien » qu’il adorait et toisait de très haut, avec son grand sourire narquois et sarcastique..

Connaissant les failles et les défauts, assumant son humble et si distinguée personne, lui, à qui Le metteur en scène Chabrol a donné des rôles de consécration au cinéma, d’abord avec « le Beau Serge » qui l’a fait connaître au public français dans les années cinquante , puis arrive la consécration avec le prodigieux film de Tavernier : « le juge et l’assassin », où il joue le rôle cynique de l’avocat et donne la réplique à trois monstres sacrés : Philippe Noiret, Michel Galabru et Renée Faure !Quelle belle époque et quelle sacrée équipe !

Je me souviens que les applaudissements crépitaient lors de l’apparition de son cercueil, une étoile s’est éteinte et le brin de soleil n’aura plus jamais le même éclat .Le rideau est tombé, la scène ne vibrera plus sur ses tirades pédantes, vibrantes et satiriques.

Je ne sais pas pourquoi la disparition de Si Ahmed Senoussi, le vendredi 20 novembre dernier, m’a rappelé celle du prestigieux acteur français disparu..Deux piliers, deux monuments, deux tragédiens titanesques qui n’ont malheureusement pas eu la même trajectoire, et une semblable reconnaissance de jeu et de personnalité. Rien ne les rapprochait, ou si peu de choses :le talent, la démesure du jeu, le don de la répartie, l’humour noir et sarcastique, l’élégance de la démarche et la souplesse du maintien, la bonhomie et l’éternelle bonne humeur, joie de vivre, désespoir de persister où les portes s’ouvrent avec férocité et virulence à un comédien français , en se refermant avec rudesse et vélocité sur le talent incontestable d’un comédien qui a joué sur les scènes des plus grands théâtres français et parisiens les personnages les plus illustres de la tragédie grecque et classique !

L’un réussit, l’autre pas…pourquoi ? Si ce n’est pas un acte mensonger et pervers de dénier la performance d’un grand, d’un géant dans nos sociétés « intra-muros ».

Incontestable est la richesse de son monde intérieur, créatif et imaginatif, « saboté » par un monde culturel aux abois à une vive déchirure et polémique qui nous laisse pantois et désorienté, en face d’un aussi grand « mentor » dont la carrière a été escamotée, voire brimée, en proie à la haine et à l’envie qui sont les Canons de Navaronne Tunisiens..

On dit que nul n’est prophète dans son pays, mais il doit bien y avoir un messie angélique caché quelque part !Il m’est difficile de parler de cet illustre et merveilleux monsieur, pétri d’humanisme et d’intelligence , extrêmement cultivé au point de désemparer ses pires ennemis, lui qui en avait si peu fait mais qui rassemblait la totalité, qui a défié le sort en créant une famille harmonieuse et en affrontant l’adversité avec son calme d’homme offensé qui ne va pas jusqu’au bout de sa colère, de sa révolte !

Je l’ai personnellement connu et apprécié depuis trente-cinq ans, un fascinant Pâris qui a captivé sous son charme ensorcelant la belle et douce Hélène. Troie, quand justice te sera-t-elle rendue ? Peut-être jamais, certainement pour la postérité ! La retraite forcée et la satanée maladie ont suivi d’assez prés les temps de la création et de l’abnégation...L’esprit imaginatif fonctionne toujours et le stylo à plume trace des ronds d’écriture, qui s’envolent comme les cendres de la fumée, comme une plaie à jamais cicatrisée…Comme c’est triste Venise, disait Aznavour, comme c’est lugubre l’art et le cinéma tunisien sans ta prestance, tes prestations remarquables à satiété !

Les journées Cinématographiques de Carthage m’ont été péniblement gâchées, je les ai amplement rejetées, tu es parti te reposer au haut de ta montagne natale, je ne peux que prier pour le salut de ton âme flottant en haut de la colline légendaire de Byrsa ! Il y a des gens qu’on ne voit presque jamais, mais qu’on aime et estime incontestablement.

Le soir même, en montant les marches de l’escalier de la salle du Cinéma MAD ‘art ,je me retrouve nez à nez avec une immense et grande affiche , te représentant toi et la lumineuse Hélène, d’un bout à l’autre, l’air radieux et rayonnants, au summum de leur carrière et relation fusionnelle, resplendissants dans le beau film de Fitouri Boulhiba ou « L’Ombre de la terre » de Taieb Louhichi, présenté dans la section « Un Certain Regard » à Cannes , en mai 1985 ..

Serait-ce la photo-affiche de « Soleil des Hyènes » ? Je ne saurais l’affirmer comme l’infirmer...Je m’engouffre immédiatement dans le noir silence de la salle, la beauté est insupportable, comme la douleur…

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