Les médias publics doivent demeurer en dehors de la politique du buzz et de l'agitation-diversion.

A l'heure où les journalistes de l'agence TAP mènent leur lutte contre la nomination du nouveau PDG par le gouvernement, il est utile de rappeler les enjeux, au-delà de certains prismes politiciens qui voudraient les réduire. Car le problème ne réside pas essentiellement dans le fait que le PDG en question serait nahdhaoui, ou proche en quelque manière d'Ennahdha. Ce qui laisserait entendre que tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes s'il avait été proche d'un autre parti, dans une autre configuration gouvernementale.

Du reste, cette façon de présenter les choses tend à nous faire oublier que la personne en question a dans son passé d'autres faits d'arme qui méritent qu'on s'y attarde et qui peuvent largement servir d'argument contre sa nomination. L'un d'entre eux est qu'il a été l'un des putschistes les plus actifs contre le bureau démocratiquement élu de l'Association tunisienne des journalistes en 2009. En agissant de la sorte, il montrait qu'il était capable de se mettre au service d'un régime politique liberticide - celui de Ben Ali -, contre les aspirations des journalistes à plus d'indépendance.

On peut s'interroger : pourquoi cette objection-là a-t-elle tendance à s'effacer au profit d'une autre qui nous ramène dans l'arène des conflits politiques du présent, et qui pousse le journaliste à défendre son territoire, non en tant que journaliste, mais en tant que partisan de tel ou tel camp politique ?

Si le journaliste ne conçoit sa liberté qu'en se jetant dans les bras de tel ou tel parti de son choix, on peut se demander s'il n'est pas le premier acteur à jouer contre son indépendance. La rhétorique a son importance dans toute action de protestation. Si on laisse les mots occulter les principes fondamentaux - parce qu'on se croit bien inspiré d'adopter le discours qui est celui des partis dans leurs conflits les uns contre les autres - on se retrouve sans s'en rendre compte du mauvais côté de la lutte.

Le véritable enjeu de ce qui se passe aujourd'hui autour de cette nomination, c'est la possibilité pour une entreprise publique de médias de donner la mesure en matière d'information citoyenne : c'est-à-dire respectueuse des faits ainsi que de la diversité du public et capable de demeurer en dehors de la politique du buzz et de l'agitation-diversion.

Un gouvernement, quel qu'il soit, doit soutenir cette orientation. Contribuer par ses décisions à conforter tout effort des journalistes à s'approprier ce rôle, qui est fondamental dans toute démocratie naissante…

Que les slogans qui résonnent aujourd'hui à la Tap fassent donc une place à l'écho des anciennes revendications - qui ne seront jamais vieilles : celles d'une presse libre et indépendante, au service du citoyen et qui, même quand elle se laisse imprégner par la tension des luttes politiques, garde toujours cette distance salutaire qui lui permet de préserver la neutralité et la crédibilité de son information.

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